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La «vie synthétique» de Craig Venter n'est encore qu'un simple plagiat

L'ère de la «vie synthétique» est annoncée: l'homme composera des patrimoines génétiques entiers et des machines les assembleront. Mais seule la part des machines semble assurée…

24 juin 2010, 11:14

Annoncée en mai, la «vie synthétique» est encore perçue assez nébuleusement, à en juger par les allégories vues ça et là, inspirées de circuits électroniques, ou de la michelangélique «Création d'Adam» - sous-entendu: nous prenons du grade côté création!

Au cœur de cette promotion présumée se trouve l'Institut J. Craig Venter, à Rockville, Maryland - J. Craig Venter étant ce biologiste-businessman pressé qui a bien accéléré le séquençage du génome humain. Le voilà à «synthétiser la vie», qu'est-ce à dire?

Calmons les imaginations: on n'a pas éveillé au «croissez et multipliez» quelque nanocircuit emballé dans un saccule de nanoplastique, pas plus qu'on a insufflé la vie à de l'argile. David Gibson et collègues de l'Institut Venter ont peut-être emprunté un peu au Dr Frankenstein, mais en petit et sans nanofoudre: ils ont réussi à faire fonctionner une bactérie en remplaçant son patrimoine génétique par celui d'une espèce proche. Le point crucial: l'ADN de substitution n'a pas été assemblé par l'espèce donneuse mais par une machine, guidée par un fichier informatique contenant l'ordre de montage!

Tout le synthétique est là, dans cet assemblage informatisé d'ADN. Autant dire que la vie «naturelle» fournit encore le concept essentiel: ce mécano génial qu'est l'ADN, dont elle détient les vrais brevets depuis des milliards d'années.

Chic? Nous voilà désormais capables nous aussi d'«écrire» vite en code génétique? «Conformer un organisme tel que nous le voulons», dixit David Gibson? Oui et non. Ce n'est pas sans bonne raison que la «machine à assembler de l'ADN» était guidée par un pur plagiat, une resucée du «texte génétique» d'une bactérie connue, et non par un «inédit»: nous sommes incapables non seulement de programmer la construction d'une cellule, ou l'entretien d'une cellule constituée, mais même d'imaginer un gène fonctionnel! Exit - pour l'heure? - l'image d'apprentis-dieux, ou même l'analogie avec les électroniciens.

Les éléments biologiques - gènes par centaines ou milliers, protéines enzymatiques par dizaines ou centaines de mille - forment des systèmes d'interrelations infiniment plus complexes que notre électronique la plus pointue. Nous en comprenons bien des portions, mais de là à concevoir, de zéro, un tout cohérent qu'on pourrait dire vivant… «Nous n'en savons pas assez sur la biologie!», s'amuse Jim Collins, professeur d'ingénierie biomédicale à Boston, qui image: «La biologie synthétique, c'est vouloir assembler un avion de ligne avec une liste de pièces pour tout guide. Quelques-uns d'entre nous rêvent de grandeur. Mais les buts sont bien plus modestes.» C'est dit. /JLR

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