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La descente en enfer du bipolaire

Des moments de grande dépression et de grande euphorie qui se succèdent.

20 juin 2017, 02:20
Gayle Inge, mother of Mindy McCready, prays with the congregation at the end of the funeral service for her daughter at the Crossroads Baptist Church in Fort Myers, Fla., on Tuesday, Feb. 26, 2013.  McCready committed suicide Feb. 17 at her home in Arkansas, days after leaving a court-ordered substance abuse program. (AP Photo/Naples Daily News, Corey Perrine)  FORT MYERS OUT Mindy McCready Funeral

«Les traitements disponibles aujourd’hui permettent de stabiliser la très grande majorité des patients atteints de troubles bipolaires», souligne le Pr Jean-Pierre Kahn, chef du service psychiatrie et psychologie clinique du CHU de Nancy où se trouve le centre expert pour la prise en charge des troubles bipolaires dont il est responsable. «La majorité d’entre eux, cependant, ne reçoit le traitement adéquat qu’après cinq à dix ans d’errance diagnostique.»

La bipolarité bénéficie d’une certaine visibilité médiatique depuis quelques années, mais reste finalement mal connue: pour preuve, son diagnostic prend en moyenne dix ans, pendant lesquels les patients désemparés vivent souvent une descente vers l’enfer. La maladie se révèle en effet le plus souvent par un épisode dépressif, plus douloureux pour les patients que l’autre versant de la bipolarité, une hyperactivité anormale et parfois délirante. Si le diagnostic n’est pas posé correctement, cette dépression initiale est le plus souvent traitée avec des antidépresseurs qui aggravent la maladie, entraînant les patients dans des spirales de troubles et de comportements délétères. Les seuls médicaments efficaces sont les régulateurs de l’humeur qui, avec la psychothérapie, permettent de stabiliser 85% des patients.

Episodes dépressifs

Les troubles bipolaires sont en effet des troubles de l’humeur que le cerveau ne sait plus réguler. Ils touchent 1% à 2,5% de la population, autant d’hommes que de femmes, et apparaissent le plus souvent entre 17 et 25 ans. Les patients connaissent alternativement des moments de grande dépression, qui peuvent les mener au suicide, et des moments de grande euphorie, d’hyperactivité dite «maniaque», qui peuvent les conduire à des comportements à risque et des décisions aberrantes. Les épisodes dépressifs sont plus nombreux pour la majorité des patients. Les épisodes maniaques, où les patients dorment mal sans fatigue et se sentent capables de vaincre tous les obstacles, sont souvent moins difficiles à vivre pour eux. «C’est plus souvent l’entourage qui est fatigué pendant ces épisodes maniaques», souligne le Pr Thierry Bougerol, chef du pôle de psychiatrie et neurologie du CHU de Grenoble où il dirige également le centre expert pour le trouble bipolaire. Le patient se lève ainsi la nuit, est capable de parler des heures de ses grands projets irréalistes, prend des décisions impulsives qui ont un impact sur la famille (achats impulsifs, comportements sexuels à risque, consommation d’alcool, de drogues...).

Maladie familiale

Les troubles bipolaires se révèlent le plus souvent chez l’adolescent et le jeune adulte, un âge où l’humeur est déjà mise à rude épreuve. «L’humeur est une fonction normale d’adaptation à l’environnement, comme la température, la glycémie ou la tension artérielle. On n’est pas bipolaire dès qu’on a l’humeur changeante», rappelle le Pr Jean-Pierre Kahn. «Il faut s’interroger lorsque ses variations sont excessives par rapport aux changements dans sa vie.»

Ainsi, s’il est normal de s’enthousiasmer lorsqu’un nouveau projet se met en place, il n’est pas normal de rester nuit et jour dans un état euphorique pendant plusieurs jours d’affilée. Prendre le temps de discuter avec l’entourage est donc un élément important du diagnostic, d’autant plus que la bipolarité – dont les composantes génétiques sont désormais bien identifiées – est souvent une maladie familiale. «Face à un épisode dépressif, même si le patient ne parle pas spontanément d’épisode maniaque, il faut toujours l’interroger sur une éventuelle maladie bipolaire chez un parent proche», indique le Pr Thierry Bougerol.

Horaires irréguliers

L’horloge biologique est également un facteur majeur dans la régulation de l’humeur et la bipolarité est plus visible chez les patients travaillant à des horaires irréguliers (infirmières, ouvriers aux 3 × 8, déplacements fréquents dans d’autres zones horaires...). Pour tous les patients, il est utile de mettre en place un mode de vie régulier, pour faciliter la stabilisation de l’humeur.

Le diagnostic précoce est essentiel pour ne pas ajouter le poids de ces dix ans de retard: addictions, divorce, chômage, comorbidités... Sans traitement, la maladie elle-même peut en outre s’aggraver en «imprimant» sur le cerveau des circuits de fonctionnement inadéquats alors que le cerveau peut «se réparer» grâce au traitement.

Bipolaires à vie

En cas de doute au moment du diagnostic, avant de mettre en place un traitement qui pourrait avoir des effets négatifs, il est toujours possible de consulter l’un des neuf centres experts existant en France. «Nous répondons à toutes les questions et, si le patient nous est adressé pour un bilan, nous mettons en place une coordination avec le médecin traitant qui connaît bien le patient dans son environnement quotidien», insiste le Pr Jean-Pierre Kahn. «Les patients restent bipolaires à vie mais, avec un traitement adapté, la très grande majorité d’entre eux pourra vivre confortablement, même si certains regrettent de temps en temps l’énergie délirante des épisodes maniaques...» Le Figaro

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