Le bord du lac par un lumineux dimanche de fin d'été. Le bonheur est là, sur cette plage paisible, désertée par la cohue estivale. Seuls quelques rares pique-niqueurs profitent du doux soleil déjà automnal. Le bonheur. Enfin presque. Des éclats de voix brisent le charme. Dispute ordinaire d'un couple comme tant d'autres. Mais dans un décor aussi serein ces quelques notes discordantes font mal. Plus que les mots qui me parviennent par bribes, les gesticulations de l'épouse, 45 ans environ, disent toute sa ranc?ur. Elle se lève, s'assied, se lève à nouveau. Sort des tupperware d'une glacière, les remballe rageusement. Déverse un flot d'invectives sur son compagnon d'apparence plus placide, d'apparence seulement. L'exaspération, ou pire encore le mépris, se lit sur son visage buté. Et ça n'en finit pas...
Mais brusquement, c'est le silence. Changement d'ambiance. Un drôle de cortège fait diversion. A la queue leu leu, dans un dandinement comique, de tout jeunes canards, maladroits sur leurs palmes, se dirigent vers les deux chamailleurs. Lesquels, soudain radoucis, attendris, se taisent. Et se sourient, à nouveau complices. Oubliées les récriminations!
La famille Saturnin fait un tour de piste et puis s'en va. Mission accomplie pour les singuliers conciliateurs conjugaux... Et dire que depuis des lustres les humains taxent de «canards» tous les vilains, les boiteux, les bavards et les cacophonies de ce vaste monde.