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Dernier porte-voix alémanique, le journal «Fraz» disparaît

«Fraz», le dernier journal alémanique féministe, met la clé sous le paillasson. Pas à cause de la crise économique, mais en raison de la baisse constante de l'intérêt pour la cause féministe. En Suisse romande, le mensuel «L'Emilie» se maintient tant bien que mal.

25 juil. 2009, 04:15

Le tirage de la «Fraz» n'est plus que de 2500 exemplaires, contre 4500 en 1987, en pleine période du féminisme, dont il était un des porte-voix. Ce chiffre a commencé à diminuer à partir du milieu des années 1990. Et sur les 1200 lectrices encore abonnées, la majorité a entre 40 et 60 ans. Avec la fin du magazine, trois collaboratrices à temps partiel perdent leur emploi. Plusieurs journalistes et photographes libres sont aussi touchées.

En 2008, une nouvelle ligne graphique a pourtant été adoptée dans l'espoir d'attirer des lectrices plus jeunes. «Malheureusement, cette mesure est venue trop tard», regrette Monica Vanoni, codirectrice du magazine «Fraz».

D'autant plus que les jeunes femmes ne s'intéressent presque plus aux questions féministes, selon elle. Un avis partagé par Monica Jeggli, ex-directrice de la «Fraz», qui remarque qu'il est souvent difficile de développer quelque chose qui parle aux jeunes femmes à partir de la tradition féministe. Ce qui était alors frais et impertinent apparaît aujourd'hui comme démodé.

La conseillère nationale socialiste Christine Goll, membre de l'ex-parti féministe zurichois FraP!, se souvient bien des débuts de la «Fraz». Publié pour la première fois en 1975 sous le nom de «Frauenzeitung», le journal était conçu comme l'organe de communication interne du mouvement féministe autonome, avant de toucher un public plus large. La disparition du titre est regrettable mais compréhensible, selon Christine Goll. «Nombre de revendications ont été satisfaites, comme la création de maisons pour femmes et de numéros d'aide.» Mais elle estime que les thèmes féministes ne sont pas pour autant devenus accessoires. Par exemple, l'égalité salariale n'existe pas encore en Suisse.

Monica Jeggli juge elle aussi que ces thèmes sont toujours d'actualité. Mais ils lassent. «Au fond, tout a déjà été dit», relève-t-elle. Reste que les changements se font attendre dans la vie quotidienne des femmes, par exemple pour accorder vies professionnelle et familiale. La perte de lecteurs de la «Fraz» est aussi due au fait que ces thèmes ont trouvé leur place dans d'autres médias. «Jusqu'au milieu des années 1990, il fallait acheter un journal féminin pour lire des articles sur de tels sujets. Personne d'autre ne voulait les couvrir», analyse Monica Jeggli.

En Suisse romande, «L'Emilie» connaît les mêmes difficultés. Ce mensuel féministe, fondé en 1912 et qui s'est successivement appelé «Le mouvement féministe», «Femmes suisses» puis «Femmes en Suisse», compte 1200 abonnés et est tiré à 1400 exemplaires, après avoir connu un pic à 3000 exemplaires dans les années 1970-1980, explique sa rédactrice en chef Estelle Pralong.

Si sa ligne rédactionnelle a changé pour montrer les différentes tendances du féminisme et s'intéresser d'avantage à la construction de genre et aux modèles de femmes dans la société, l'étiquette «féministe» traditionnelle colle au journal. Or «L'Emilie», dont le lectorat a plus de 40 ans, manque de moyens pour se faire connaître auprès des jeunes femmes.

Le titre a toutefois reçu des fonds pour prochainement rafraîchir sa maquette et améliorer son site internet. Son budget annuel est de 130 000 francs, financé pour moitié par les abonnements et quelques recettes publicitaires et pour moitié par des subventions. Il compte trois salariées à temps partiel et des bénévoles. /ats

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