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«A quoi bon boucler des études si l'on ne trouve pas d'emploi après?»

Battant, Christian Gremaud a été le premier sourd du canton de Fribourg à décrocher une licence à l'université. Mais trouver un boulot, c'est une autre histoire: les patrons restent frileux. Témoignage.

24 févr. 2009, 09:52

En 2004, Christian Gremaud est le premier (et le seul à ce jour) Fribourgeois à décrocher une licence universitaire. Sans passe-droit ni traitement de faveur. «Tout est possible pour un sourd», martelait-il alors. «On peut être intégré. On peut le faire!» Mais voilà: à 31 ans, le Fribourgeois pointe au chômage. «Les patrons ont peur d'engager un sourd...»

«Malgré ma licence, on me considère comme un handicapé», constate Christian Gremaud. La Confédération lui offre un poste? Il se retrouve cantonné à des tâches répétitives (saisie de données, etc), pour 2500 francs par mois. Il monte un projet avec financement par l'AI? Le gymkhana administratif retarde tellement le dossier qu'il finit par capoter. «Je savais que ce serait difficile, mais j'espérais que ce serait possible», pose-t-il. Ses mains dansent, l'interprète traduit. «Mes anciens camarades d'école entendants ont un salaire, font des projets... Mais pour moi, c'est l'incertitude.»

Charmant, expansif, le jeune homme ne manque pas de ressources. Quelques heures par semaine, il enseigne la langue des signes à l'Uni de Fribourg. A la TSR, il présente «Signes», l'émission pour les malentendants. Un job qu'il adore, mais qui ne permet pas de tourner, explique-t-il. «Je ne demande rien d'exceptionnel: simplement un emploi et un salaire décent. Parce que j'ai besoin de gagner ma vie et de payer mes factures, comme tout le monde.» Offres spontanées, lettres de motivation: Christian Gremaud ne désarme pas. Licencié en pédagogie générale, pédagogie curative et économie internationale, il rêve d'un job dans l'éducation, le social ou la culture. «A chaque courrier, j'hésite: dois-je dire que je suis sourd?» Trop souvent, cette simple mention suffit à le disqualifier.

Intégrer un sourd dans une entreprise, ça ne demande pourtant pas d'investissements énormes, insiste Christian Gremaud. Plutôt de l'organisation: remplacer le téléphone par l'e-mail, regarder la personne sourde en face si elle doit lire sur les lèvres, et agender les réunions à l'avance, pour faire venir un interprète. Un service gratuit: c'est l'AI qui le prend en charge.

«On peut aussi proposer une initiation à la langue des signes aux employés qui le souhaitent», imagine-t-il. Un bon moyen de briser la glace. «Souvent, les gens sont mal à l'aise face à un sourd: ils ne savent pas trop comment réagir.» Lui désamorce d'un large sourire.

«C'est comme voyager dans un pays étranger: on communique avec des gestes, on se débrouille... Ce n'est pas sorcier! L'essentiel, c'est que les gens n'aient pas peur de venir vers nous: la surdité, ce n'est pas une maladie contagieuse.» Reste à convaincre les patrons. «C'est un problème politique: la Suisse n'encourage pas assez les entreprises à engager des personnes handicapées», estime le Fribourgeois.

-La Liberté

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