null Un peu d’histoire: Taïwan perd son indépendance parce qu’en 1971, les Etats-Unis courtisent Mao, cela pour contrer l’influence soviétique. A leur instigation tacite est acté le principe d’«une seule Chine», qui fait passer en mains maoïstes le siège chinois du Conseil de sécurité. Depuis, Washington pratique une «ambiguïté stratégique» lui permettant de jouer sur les deux tableaux, commercer avec Pékin tout en restant allié avec la République nationaliste.

Cette hypocrisie s’est renforcée avec le temps: tout en signant toujours plus d’accords de défense avec Taïwan, les Américains ont encouragé l’essor de la Chine communiste, facilitant son entrée à l’OMC en 2001, puis au G20 en 2008. Et beaucoup de leurs grandes entreprises ont depuis investi là-bas. Mais dans les années 2010, constatant le développement de l’économie chinoise, ils se sont sentis menacés dans leur suprématie mondiale et ont réactivé leur soutien à Taïwan, sans du reste confirmer qu’ils interviendraient en cas d’invasion.

Se joue donc là-bas un conflit classique entre grandes puissances, avec un habillage démocratique masquant des intérêts économiques et géostratégiques. La démocratie à Taïwan, les Etats-Unis s’en moquaient quand y sévissait la dictature du Kuomintang. Aujourd’hui encore, ils renforcent leurs bases aux Philippines, ne sesouciant guère de la récente élection à la présidence du fils du défunt dictateur Marcos. Et, pour contrer la Chine, ils ménagent désormais ce Vietnam communiste autrefois combattu au nom de la liberté.

Bref, ne soyons pas dupes. Dans cette crise de Taïwan, les Américains aspirent surtout à conforter leur domination sur tout le Pacifique, se heurtant, ce faisant, aux ambitions de la grande puissance montante de la région.

En plus, ils dressent contre Pékin d’anciens pays qui n’ont pas brillé dans la région par leur libéralisme: l’Angleterre, l’ancienne puissance coloniale. Et surtout le Japon, incité à se réarmer, qui occupa Taïwan dans la première moitié du 20e siècle et martyrisa la Chine de 1937 à 1945.

Bref, ne soyons pas dupes. Dans cette crise de Taïwan, les Américains aspirent surtout à conforter leur domination sur tout le Pacifique, se heurtant ainsi aux ambitions de la grande puissance montante de la région. Au lieu de s’impliquer dans ce conflit où elle aurait tout à perdre – la moitié du commerce mondial passe là-bas – l’Europe ferait mieux d’en préparer une issue négociée.

Mais son dilemme, c’est qu’il lui sera difficile de défendre l’axiome d’une seule Chine tout en contestant la réunification de Pékin avec Taïwan! Les dirigeants chinois l’ont compris, c’est pourquoi ils soutiennent l’intégrité territoriale de tout pays, ce principe au nom duquel l’Occident s’engage tant en Ukraine…

Taïwan: hypocrisie stratégique

L’écrivain et essayiste Nicolas Rousseau nous parle des intérêts géostratégiques dans le Pacifique.