null La question de ce qu’il advient des armes et munitions suisses vendues à l’étranger agite les esprits. Pour des raisons légales, la Suisse ne peut pas permettre à des pays ayant acheté de ses armes de les transférer à des pays en guerre. Soucieux de soutenir l’Ukraine contre la Russie, plusieurs pays européens détenteurs d’armes suisses font pression sur la Suisse, l’accusant de se mettre, par fausse neutralité, du côté de l’agresseur.

Il y a un dilemme, c’est vrai. On avait retrouvé des grenades de fabrication suisse en Syrie, dans les Balkans, et cela nuit à la réputation de la neutralité suisse. Mais, en même temps, les armes servent à faire la guerre, tout de même, et s’il y a une guerre et qu’il y a des armes, autant qu’elles servent du bon côté.

Voilà bien le nœud du problème. Les armes, ça sert aussi à faire des affaires, comme il se doit en Suisse. Le beurre, et l’argent du beurre.

C’est la Suisse elle-même qui s’est fourvoyée dans ce piège. Depuis bien longtemps, des voix s’élèvent pour dire que notre pays ferait mieux de ne pas vendre du tout d’armes à l’étranger. Comment peut-il être fidèle à sa mission humanitaire en participant au trafic d’armes? Plus d’armes suisses sur le marché, plus de dilemme. La Suisse pourrait se contenter de produire les armes nécessaires à sa propre armée.

Mais on m’objectera que cette production-là n’est pas rentable. Il faut en vendre à d’autres nations pour générer des gains. Voilà bien le nœud du problème. Les armes, ça sert aussi à faire des affaires, comme il se doit en Suisse. Le beurre, et l’argent du beurre.

Ne faudrait-il pas dire que si on s’offre une armée, on en paie aussi le prix, sans la rentabiliser par le trafic d’armes? En 1977 déjà, Dürrenmatt disait que si la Suisse voulait garder son armée, elle devrait «avouer ce qu’est son armée: un folklore diablement coûteux. Il faut pouvoir se la payer.»

À moins qu’on pousse le scandale encore un peu plus loin: on pourrait renoncer à notre armée, comme le propose depuis longtemps le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). La semaine passée, alors que la nouvelle ministre des finances appelait tout le monde à des économies drastiques, le Conseil fédéral débloquait 600 millions pour l’armée. Et si on les destinait à autre chose?

Sans armes suisses, plus de dilemme

La Suisse vend des armes à l’étranger pour faire des affaires. Or, en faisant cela, elle peine à justifier sa neutralité et sa tradition humanitaire, constate le théologien Pierre Bühler.