null «On dirait que le lac a la chair de poule», venait de s’exclamer Elline. Anne Sylvestre chantait; j’étais dans le même état que notre gouille majestueuse. Le jour précédent, au bas de la rue des Chavannes, j’avais aussi frissonné quand une femme d’un âge certain était venue me sermonner: comment avais-je pu faire de la publicité pour le cinéma Minimum, où la sécurité est scandaleuse.

«Un jour, il y aura des morts!», a-t-elle grogné, disparaissant comme elle était apparue, engoncée de fâcherie et de mépris; cœur et âme cloués par le besoin de certitude et de contrôle sur quoi notre société se fige et s’érige.

«Y’avait des papillons qui pleuvaient sur nos angoisses.» J’aurais dû lui offrir ces mots glanés dans les «repiquages» d’Yves Tissot.

Madame Nater, 21 francs, vous êtes-vous demandé en combien de minutes vous les gagnez? Non? Dommage, peut-être cela vous aurait-il permis d’échapper à l’indécence.

Le soir, au KVO, un autre endroit minuscule où la culture vibre loin du beau monde, Maya nous a conté un souvenir, comme un écho à cette détestable rencontre. Il date de vingt ans, alors qu’elle théâtralisait à Zurich. Une bonne sœur, à la gare, peinait à déchiffrer l’horaire; Maya lui proposa donc son aide, recevant une réponse cinglante:

«Votre sourire est magnifique, jeune femme, s’il est sincère, que Dieu vous bénisse, s’il ne l’est pas, qu’il vous maudisse.»

En termes de moraline lénifiante, la palme revient tout de même à Florence Nater, qui a annoncé le soulagement (Madame est socialiste, elle s’y connaît en «bol d’oxygène») ressenti après avoir réussi à obtenir une aide de 21 francs par mois pour 28 000 personnes dans le canton.

Madame Nater, 21 francs, vous êtes-vous demandé en combien de minutes vous les gagnez? Non? Dommage, peut-être cela vous aurait-il permis d’échapper à l’indécence.

On dirait en effet que le lac et le pied-du-jura ont la chair de poule; ce n’est pas près de s’arrêter.

Les balafres de la sincérité

Le lac de Neuchâtel semble avoir la chair de poule et il n’est pas prêt d’arrêter de frissonner, selon le bouquiniste Karim Karkeni.