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Bitcoin: «Ce crash est moins violent que les précédents»

du jeudi 16 juin

Lorsque le bitcoin a perdu une partie de sa valeur début mai, certains y ont vu l’explosion d’une bulle spéculative. C’est le cas de la journaliste économique établie à Paris Bertille Bayart. L’article «Cryptos: enfin le krach»: une opinion issue des colonnes de notre partenaire «Le Figaro», republiée par «ArcInfo», a fait réagir la communauté neuchâteloise active dans les cryptomonnaies, qui y voit plutôt un phénomène passager.

De fait, la régulation française en matière financière a poussé quelques entrepreneurs de l’Hexagone en direction de la Suisse, où ils ont trouvé un tissu économique accueillant pour la finance numérique. L’un d’eux, Julien Guitton, s’est installé à Neuchâtel pour créer Condensat technologies.

L’entreprise met à disposition des petits commerces et PME de la région des outils financiers facilitant l’utilisation de bitcoin en parallèle des monnaies traditionnelles, comme le franc suisse. Julien Guitton explique pourquoi les adversaires du bitcoin auraient tort de se réjouir des fluctuations de son cours.

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Julien Guitton, le bitcoin, qui valait plus de 60 000 francs en novembre dernier, baisse depuis début mai et se trouve à mi-juin aux alentours de 22 000 francs, son niveau de fin 2020. Êtes-vous inquiet?

Non. Depuis les débuts du bitcoin, il y a plus de 10 ans, ses utilisateurs sont passés au travers d’une série de krachs. Le bitcoin a prouvé qu’il avait une utilité, une valeur, et qu’il y aurait toujours quelqu’un qui sera prêt à l’utiliser comme moyen de paiement.

Pourtant, une monnaie qui perd près de deux tiers de sa valeur en six mois, ce n’est pas très rassurant…

Il s’agit d’un réseau encore jeune. Il a commencé à être adopté par de nombreuses personnes autour de 2013. Depuis, beaucoup d’institutions financières continuent à affirmer qu’il s’agit d’une mauvaise idée, mais il vaut autour de 22 000 francs, ce qui n’est pas rien. Sa valeur repose aussi sur son mode de fonctionnement très sûr, qui n’a pas été pris en défaut à ce jour.

Comment expliquer cette perte de valeur?

Je n’ai pas d’opinion arrêtée à ce sujet. La crise ukrainienne, l’inflation… Tenter d’expliquer un phénomène financier par un élément d’actualité qui se déroule en même temps est un réflexe normal. Ça ne veut pas dire que l’explication est juste. Beaucoup, voire trop de start-up se sont créées sur des bases encore peu sûres, comme la finance décentralisée et les «stable coin» (cryptomonnaie liée à une monnaie fiduciaire). Ce crash, c’est un peu l’éclatement d’une bulle qui n’est pas directement liée à bitcoin, mais qui provoque de fortes ventes et la baisse, temporaire à mon avis, de sa valeur.

Combien de personnes l’utilisent en Suisse?

Je ne sais pas et je ne cherche pas à savoir. Je pense qu’on peut comparer le bitcoin à l’internet du milieu des années 1990, avant son adoption généralisée, intervenue dans les années 2000. (réd: certaines évaluations attribuent au bitcoin plusieurs centaines de millions d’utilisateurs dans le monde, avec un cap au milliard envisagé autour de la fin 2022).

Ce crash, c’est un peu l’éclatement d’une bulle qui n’est pas directement liée à bitcoin, mais qui provoque de fortes ventes et la baisse, temporaire à mon avis, de sa valeur.
Julien Guitton, entrepreneur dans la finance numérique

Alors que la plupart des gens utilisent quotidiennement le système bancaire, à quoi le bitcoin doit-il servir à votre avis?

D’abord, si le système bancaire fonctionne bien en Suisse, il faut se rappeler que ce n’est pas le cas partout. Dans de nombreux pays, de larges parts de la population n’ont pas accès au système bancaire. Le bitcoin peut être utilisé partout à un coût très faible. Il répond aux définitions classiques de la monnaie: une unité de compte, une réserve de valeur et un moyen d’échange. Mais en plus, le bitcoin est immuable et non censurable. On ne peut pas annuler une transaction et on ne peut pas l’empêcher. Elle permet aux gens de disposer de leur argent comme bon leur semble sans avoir à en rendre compte et payer des frais à une banque commerciale. Pour moi, c’est une, voire la seule alternative au système bancaire.

Est-ce que vous l’utilisez quotidiennement? Êtes-vous en mesure de vous passer de banque?

Je ne possède aucun compte en banque. J’utilise le bitcoin dans ma vie de tous les jours et transforme mes bitcoins en cash lorsque cela est indispensable pour payer une facture ou un commerçant qui n’accepte pas de bitcoin. Quelques payements électroniques sont réalisés grâce à la seule carte bancaire que je possède: une Corner Card anonyme à prépaiement, dont l’usage est relativement limité.

Je ne possède aucun compte en banque. J’utilise le bitcoin dans ma vie de tous les jours.
Julien Guitton, bitcoiner convaincu

L’anonymat que permet le bitcoin n’est-il pas problématique au regard de ses utilisations dans le cadre d’activités criminelles?

Contrairement à ce qu’on croit parfois, le bitcoin n’est pas très utilisé dans les affaires criminelles car son fonctionnement implique qu’il est relativement facile pour les autorités de poursuite pénales d’obtenir, dans le cadre de procédures judiciaires, des renseignements substantiels sur les transactions enregistrées dans la blockchain. La police adore le bitcoin, car il a permis en effet d’arrêter des criminels. Mais hors action judiciaire, le bitcoin assure un relatif anonymat à ses utilisateurs.