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Un opéra rare de Boito pour brouiller encore les limites entre bien et mal

Une production neuchâteloise redonne vie au rare opéra de Boito, «Mefistofele». Rubén Amoretti y incarne ce rôle diabolique qui doit tant à Goethe. Rien à voir, mais alors rien du tout avec le best-seller de Lauren Weisberger «Le diable s'habille en Prada». Mais alors pourquoi commencer par là? Peut-être parce que Rubén Amoretti définit Mefistofele comme un diable raffiné et élégant. Peut-être aussi parce qu'on ne met pas une date en exergue et pourtant en 1868 Arigo Boito signait un opéra si moderne et si lent (près de 4h30) qu'on dut l'interrompre après trois représentations. On aurait aussi pu débuter par la rareté, le côté relique, objet de collection, curiosité. L'opéra de Genève montait Mefistofele de Boito en 1988, une ?uvre qu'on a pu voir aussi à la Scala voilà quinze ans.

24 avr. 2007, 12:00

Evidemment, la production neuchâteloise que l'on peut découvrir dès demain au théâtre du Passage dispose d'autres budgets: «A Milan, le ch?ur était composé de 120 choristes, nous, lorsque l'on peut réunir cinquante personnes du ch?ur Lyrica, nous sommes déjà ravis», explique Rubén Amoretti. Une formation fondée en 2003, semi-amateure, composée par de nombreux élèves du Conservatoire et préparée pour l'occasion par Steve Muriset qui est aussi l'assistant de Robert Bouvier à la mise en scène. «On doit compter sur la polyvalence de chacun et on ne peut pas avoir autant de danseurs et d'acrobates que Boito mettait à son générique.» Pour Rubén Amoretti, la collaboration avec des Neuchâtelois semblait primordiale: «Que des personnalités comme la soprano Brigitte Hool qui assume les rôles de Marguerite et Elena ou le ténor Bernard Richter s'engagent avec nous malgré leur carrière internationale montre que l'on peut s'enthousiasmer pour des créations locales de qualité. C'est la première fois que nous chantons les trois ensemble.» Le ch?ur d'enfants du Conservatoire complète la distribution.

En entendant «Mefistofele» à la radio, le ténor, devenu basse, se dit pourquoi ne pas se lancer dans un opéra qui sort de l'ordinaire, aller encore plus loin qu'avec «Tosca» ou «La Traviata». Même si dans Boito aussi on trouve des «tubes dignes de Verdi». L'homme de lettres et compositeur italien a même été le librettiste d'«Otello» et de «Falstaff». De tous les Faust auxquels les compositeurs romantiques ont donné naissance, celui de Boito s'attache particulièrement à la complexité du livre de Goethe. Contrairement à Berlioz ou à Gounod, Boito choisit de donner la vedette au tentateur plutôt qu'au damné et abandonne toute velléité de drame amoureux. Le compositeur utilise l'orchestre pour donner des résonances aux interrogations métaphysiques de l'auteur. Pour Rubén Amoretti, la dualité et l'ambiguïté entre bien et mal caractérisent cet opéra. Il chantonne dans sa cuisine en italien, langue que le chanteur d'origine espagnole, connaît parfaitement, même si pour comprendre la poésie de Boito il a dû farfouiller dans les dictionnaires. Il aime puiser dans les graves pour, dans une même réplique, s'exclamer «je pense le mal» et passer aux aigus pour «je fais le bien».

Le metteur en scène Robert Bouvier a choisi l'ironie pour montrer les rapports complexes de Mefistofele. «Il n'hésite pas à me demander de faire le signe de la croix», sourit Rubén Amoretti qui a aussi pu compter sur les connaissances du chef d'orchestre Théo Loosli. «Il lit Goethe tous les jours depuis des années, je pouvais compter sur lui.» Pour Rubén Amoretti, l'opéra ne ressemble plus du tout à un grand cri que l'on pousse figé sur la scène: «Robert Bouvier nous demande de passer par l'improvisation, il nous embête pour que l'on trouve les ressources du spectacle total, sans pourtant négliger les difficultés musicales.»

En deux heures et demi, les musiciens neuchâtelois interpréteront un opéra qui trouve des échos dans l'actualité: «Lorsque je vois les présidents américains ou iraniens à la télévision, je ne trouve pas de vérité absolue et me questionne sur l'arrogance de chacun. Comme Mefistofele, je ne veux pas me mêler de tout cela.» Un personnage que ce diable de Rubén a aimé à travers la voix de Samuel Ramey et qu'il campe aujourd'hui avec puissance et distance. / ACA

Neuchâtel, théâtre du Passage, les mercredi 25, vendredi 27 avril, à 20 heures et dimanche 29 avril, à 17 heures
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