Ce prof de français, titulaire d'une maîtrise et d'un master en théologie, fervent partisan de l'?cuménisme, travaille à la construction de ponts. «C'est tous ensemble que nous devons chercher des réponses». Ensemble? Oui, «mennonites, mais aussi catholiques, protestants, Eglises libres... Ensemble, nous devons jeter un regard sur nos histoires respectives pour ne plus reproduire les pages noires du passé.»
Allusion au destin mouvementé des anabaptistes suisses auxquels les mennonites sont assimilés. Soit des chrétiens issus de la Réforme, qui dès le XVIe siècle ont été bannis, persécutés, voire mis à mort, par d'autres protestants. Allusion surtout aux perpétuels recommencements de l'histoire. Michel Ummel: «L'exhumation de notre passé n'a de percutance que dans une mise en perspective de toutes les persécutions dont les nouveaux «mennonites» font l'objet aujourd'hui. Au XVIe siècle, l'un des nôtres a été brûlé vif pour avoir soutenu des Turcs persécutés. Cinq siècles plus tard, les mêmes pièges se referment avec le rejet des musulmans, des sans-papiers. La peur de l'autre n'a jamais rien résolu.»
Sur le ton de la plus anodine des conversations, Michel Ummel égrène son parcours. Il raconte sa tendresse pour les amish chez qui il a vécu aux Etats-Unis. Et son amitié pour les déshérités auprès de qui il a ?uvré durant trois ans dans un bidonville de Lisbonne: «On vivait au rythme des flux migratoires. La misère dépassait l'entendement. On nous a apporté un bébé «oublié» par sa mère; des gens vivaient pis que des bêtes. Mais quelle humanité, quelle générosité aussi!»
Depuis son retour au bercail à la fin des années 1980, le pasteur du Sonnenberg enseigne également dans un gymnase de Berne et se consacre à la valorisation des archives de la Conférence mennonite suisse. Faute d'un espace adéquat, ce patrimoine exceptionnel, composé de manuscrits, d'imprimés et de reliques, dont certains remontent au XVIe siècle, est entreposé dans le sous-sol de la chapelle du Jean-Gui. Perdu quelque part entre les crêtes de Mont-Soleil et le col de Pierre-Pertuis, entre le vallon de Saint-Imier et la vallée de Tavannes, ce lieu difficile d'accès est emblématique du destin mouvementé des anabaptistes. Destin que Michel Ummel relate en une exposition présentée durant l'été dans la chapelle même.
Malgré les dangers que constituait aux siècles passés la détention d'écrits ou d'imprimés produits par des anabaptistes, toute une littérature spécifique s'est transmise dans le cadre familial. Mais ce sont avant tout des actes d'accusation qui sont parvenus jusqu'à nous. Documents qui attestent de l'instauration d'un tribunal spécial au XVIIe siècle pour faire la chasse aux anabaptistes à coups de «mandats» similaires aux «wanted» du Far West. L'exposition se termine par la photo d'un sans-papiers, de dos. «Pour rappeler qu'aujourd'hui encore des êtres humains doivent vivre dans la clandestinité. Je n'ai pas peur de voir les mennonites disparaître. C'est une voix, une couleur qu'il faut perpétuer à travers l'ouverture aux autres, le libre-arbitre...»
Et avec un éclair de malice dans le regard: «J'aime bien les Brésiliens qui parlent de théologie de la cuisine. C'est autour de la table familiale que se forgent les convictions, pas dans les hautes sphères du pouvoir. J'irais même jusqu'à parler de théologie de la chambre à coucher. N'est-ce pas là que le monde se recommence sans cesse?» /CFA