Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Steppes tartares, un vrai régal!

Coup de maître pour la première BD de deux jeunes auteurs: «Taïga rouge» se lit comme une épopée, se savoure comme une vodka brûlante et se parcourt comme une plaine infinie. On se croirait tout d'abord dans «Michel Strogoff»; puis dans «Corto Maltese en Sibérie». Nul hasard à cela: on retrouve dans «Taïga rouge» le même personnage historique, déjà vu chez Pratt, du baron Von Ungern, aristocrate sanguinaire et mégalomane qui rêva de soulever les descendants de Gengis Khan pour exterminer les Bolchéviques.

18 juil. 2008, 12:00

Mais il y a dans ce récit beau comme une légende immémoriale un autre acteur qui a réellement existé: c'est Ferdynand Ossendowski, à la fois héros et narrateur, médecin fuyant des révolutionnaires qui lui ont trouvé, on ne sait trop pourquoi, une tête peu conforme à leurs idéaux. Ses souvenirs («Bêtes, hommes et dieux - A travers la Mongolie interdite 1920-1921») ont librement inspiré le scénariste Arnaud Malherbe qui fait de lui un être singulièrement attachant.

Avouant ses faiblesses, et les transfigurant par là même, il est mystérieusement épargné par des Tartares (des Soyotes, pour être précis) qui mettent en lui une confiance qu'il ne s'explique pas. Il parvient ainsi à délivrer d'une ville assiégée par les Chinois la huitième (et quelque peu ivrogne!) réincarnation d'un lama bouddhique, avant de repartir vers des aventures que ne nous livreront que le (ou les?) volume(s) suivant(s) de cette étonnante histoire narrée avec émotion, et non sans désespoir, à une «Natacha» que notre héros ne reverra sans doute jamais?

Outre la qualité des dialogues et la richesse humaine des personnages, cet album se signale par un dessin (étonnamment maîtrisé pour un premier album) où l'influence d'un Christophe Blain, voire d'un Joann Sfar (en moins désordonné) est au service d'une intrigue de type foncièrement «réaliste».

Par un paradoxe fécond, le refus du mimétisme photographique accentue ici la crédibilité du récit. Il faut dire que l'époque évoquée n'est pas de tout repos: dans ce chaos qu'est la Sibérie des lendemains tourmentés de la Révolution d'octobre, la violence, la folie, la cruauté, mais aussi l'amour, la loyauté et la vie sont partout exacerbés. Et ce récit flamboyant, qui marque les vingt ans de la belle collection «Aire libre» des éditions Dupuis, étincelle comme un diamant noir dans la grisaille du tout-venant des BD historisantes. / ACO

«Taïga rouge», 1re partie, Arnaud Malherbe (scénario), Vincent Perriot (dessin), éd. Dupuis, 2008
Votre publicité ici avec IMPACT_medias