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Soutenir le regard profond de Nénette l'orang-outang

Le cinéaste documentaire Nicolas Philibert filme l'orang-outang vedette d'un zoo parisien confronté à ses visiteurs humains. L'auteur de «Etre et avoir» nous donne les clefs de son nouveau film, une démonstration à la fois humble et extraordinaire de la puissance du regard.

19 mai 2010, 10:27

Qu'est-ce qui vous a incité à consacrer un film à Nénette, star quadragénaire du Jardin des plantes?

C'est un film dont l'idée m'est venue d'une manière très spontanée, il y a environ une année, en allant me promener à la ménagerie du Jardin des plantes, à Paris. Je connaissais le lieu, mais je n'y étais pas retourné depuis longtemps. J'avais ce jour-là pas mal de temps devant moi, j'ai un peu flâné, je suis rentré dans cette singerie, ainsi qu'on appelle la maison des singes, où se trouvent notamment quatre orangs-outangs, dont Nénette qui est la plus âgée. J'ai passé ce jour-là beaucoup de temps à la regarder, j'ai vu aussi défiler plein de gens et j'ai écouté ce qu'ils racontaient… Ce qui m'a tout de suite fasciné, c'est la façon dont Nénette réussissait à garder tout son mystère, en dépit des commentaires. On la regarde, elle nous regarde, mais on ne sait rien sur ce qu'elle pense, sur ce qu'elle en pense, si seulement elle pense…

Est-ce que votre «actrice» a eu conscience d'être filmée?

Oui, depuis le temps qu'elle se fait photographier, je pense que Nénette sait parfaitement quand elle est filmée. Elle joue sans doute avec ça… J'ai travaillé avec une petite caméra dont on peut faire pivoter l'écran de contrôle pour visionner ce qu'on a filmé. Souvent, Nénette a demandé à se voir, à se regarder, se montrant même capable de faire pivoter elle-même le petit écran…

On croit déceler une certaine tristesse dans le regard et le comportement de Nénette…

Selon les soigneurs, Nénette n'est pas déprimée. Nous constituons un spectacle pour elle, nous l'empêchons de s'ennuyer. Je crois que nous projetons sur elle notre propre sentiment, parce que nous n'aimons pas voir les animaux enfermés. Mais il faut bien se dire que les zoos sont hélas devenus une nécessité, car ils constituent un lieu de protection où les animaux en voie de disparition ont une longévité qu'ils n'atteindraient jamais en liberté. C'est un triste paradoxe, mais c'est comme ça: Nénette est aujourd'hui plus en sécurité à la ménagerie du Jardin des plantes, au cœur de Paris, dans la sauvagerie urbaine de l'agglomération parisienne, que dans la nature!

Si on vous dit que vous redéfinissez grâce à Nénette l'essence même du documentaire…

C'était en tout cas mon intention! Mon film parle du cinéma, de la représentation. J'ai voulu questionner le documentaire: que regarde-t-on et comment? Grâce à Nénette, ou plutôt à son mystère, c'est aussi le rapport à l'autre que j'interroge. Nénette porte cette interrogation à une puissance étonnante, parce que, fondamentalement, elle nous touche, semblable et différente, lointaine et parfois si proche… /VAD


Réalisateur:
Nicolas Philibert
Genre: documentaire
Durée: 1h10
Age: tous, suggéré 10 ans
Cinéma: Bio, Neuchâtel

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