La vie de Marie Lise Labont? a vol? en ?clats le 24 d?cembre 2000, peu apr?s minuit. Dans la douce nuit de la R?publique dominicaine, son mari Nataraj a ?t? abattu d'un coup de feu par un cambrioleur. Cach?e derri?re le rideau de la chambre, elle a tout entendu, mais n'a rien pu faire pour le sauver. Onze ans apr?s ce drame, Marie Lise Labont? publie la chronique intime de ce No?l fatal, o? elle a mis en terre son mari pile 24 heures apr?s lui avoir fait l'amour pour la derni?re fois. C'est le livre le plus personnel de la psychoth?rapeute qu?b?coise, connue pour ses travaux sur l'autogu?rison et la ?m?thode de lib?ration des cuirasses?, qu'elle a cr??e.
On dirait un polar. Par des chapitres courts ?crits au pr?sent, le livre revisite le moment du meurtre, l'ann?e qui a suivi et quelques ?v?nements-cl? de la vie de ce couple charismatique, lui gu?risseur et ma?tre de reiki, elle psychoth?rapeute et conf?renci?re aim?e des m?dias. Le r?cit adopte tour ? tour trois points de vue: celui de Marie Lise Labont?, celui de sa ni?ce Julie, ?galement pr?sente au moment du meurtre. Enfin, ? la troisi?me personne, la veuve donne la parole au meurtrier, un petit d?linquant surnomm? El Balsero qui a tir? sous l'effet de la panique, surpris en plein cambriolage.
L'int?r?t du r?cit r?side dans la grande franchise avec laquelle Marie Lise Labont? expose ses mouvements d'?me, r?ves, pr?monitions et ?lans vitaux - y compris les moins ?politiquement corrects?. Son refus, aussi, de s'enfermer dans son drame, pour mieux en chercher le sens et la port?e universelle. Plut?t que d'opposer coupables et victimes, elle explore les fils des destins qui se sont rencontr?s cette nuit-l?. Au final, son r?cit n'est pas tant celui d'un meurtre, mais une r?flexion sur l'amour et la gu?rison. Entretien.
Comment allez-vous aujourd'hui?
Tr?s bien! Le fait d'?crire a ?t? pour moi l'expression d'un grand processus de gu?rison int?rieure. Cela m'a permis de tourner vraiment la page. En ?crivant l'ann?e la plus difficile de ma vie, avec tous ses soubresauts, je l'ai r?capitul?e en d?tail. Non pas pour en souffrir, mais pour m'en lib?rer. C'est une renaissance profonde, avec beaucoup d'espoir.
Apr?s le drame, vous avez continu? ? travailler et publi? d'autres livres. Mais il vous a fallu dix ans pour revenir sur ce drame: cela a ?t? si difficile?
Ah oui. Dans ce r?cit, je livre des choses que je n'avais dites ? personne. Avec ma ni?ce, on est entr?s dans une forme de gu?rison du syst?me familial, qui ?tait rest? en suspens parce que personne n'?tait au courant dans les d?tails de ce qu'on avait v?cu.
Vous n'en aviez jamais parl??
Non, pas vraiment, pas en d?tail. C'est comme si tout le monde avait peur d'?couter ce qu'on avait ? dire, parce qu'ils se sentaient coupables de n'avoir pas pu agir. Maintenant qu'ils ont lu le livre, j'en ai parl? avec eux, surtout ma grande s?ur, la m?re de Julie, qui ?tait tr?s impliqu?e. ?a l'a aid?e ? faire le deuil: pour elle, sa fille n'a plus jamais ?t? pareille apr?s. Le livre lui a permis de comprendre pourquoi.
Face ? l'?preuve, vous dites refuser de prendre la ?posture de victime?. ?a consiste en quoi?
Cela consiste ? vivre le myst?re. Quand on n'est ni victime, ni pers?cuteur ni sauveur, on dit: je ne peux pas comprendre ce qui vient de se passer, mais je vais m'aider au jour le jour. Une partie de moi voulait mourir avec mon mari. Je me donnais trois quarts d'heure, chaque jour, pour pleurer ? fond. Je pratiquais aussi des exercices corporels que j'ai d?velopp?s et j'?crivais mon journal. J'ai ?cout? cette partie qui voulait mourir, mais j'ai refus? de m'y enfermer. Parce qu'elle n'?tait qu'une partie de moi et que la vie est plus forte.
Votre r?cit part d'un meurtre, mais c'est avant tout une r?flexion sur le couple et l'amour, non?
Comme je l'explique dans le livre, avec mon mari notre couple ?tait en grand questionnement. Avec beaucoup de respect et d'amour, on se demandait si on allait poursuivre ensemble ou non. Je n'ai jamais eu la r?ponse, puisqu'il est mort avant...
Et aujourd'hui, vous aimez diff?remment?
Mon Dieu oui! J'ai ?crit un livre depuis, qui s'appelle ?L'amour vrai?. Quand on rencontre la mort si soudaine d'un ?tre cher, on r?alise combien la possessivit? est illusoire. On croit contr?ler un peu de l'autre... mais il n'en est rien. Aujourd'hui, j'essaie de vivre comme les samoura?s: en pr?sence de la mort, mais sans morbidit?. Ne pas prendre pour acquis que ceux qu'on aime seront l? toujours. Profiter de chaque instant qui passe avec un ?tre cher, savourer et dire un ?je t'aime? qu'on ne pourra peut-?tre plus dire demain.
Marie Lise Labont? (avec Julie C?t?), ?Derri?re le rideau.? Ed. de l'Homme, 256 pages En conf?rence au Salon du Mieux-Vivre ? Fribourg, dimanche 6 novembre ? 10h30.