Pauline Croze: chanteuse à voix des courbes fragiles de l'état d'âme

Pauline Croze chronique avec volupté les errances et les délices d'une jeune femme. Elle invente inconsciemment des voyages déroutants. Entretien avant son concert samedi, à 21h45, au Corbak. Le Corbak Festival aime chérir les astres indolents de la chanson française atypique. Après Camille qui tendait le fil en 2005, voici Pauline Croze qui l'arrache avec timidité. Cette voix puissante aiguisée sur les contours de silex exotiques a imposé une musicalité métissée et des mots enchantés par la banalité. Une spécialiste des «faux contacts» et des «ressorts déglingués» et de la métaphore brûlante: «Sous les yeux des valises pleines de coquillages où l'on entend le ressac». Deux albums déjà, pour cette auteure compositrice, guitariste et encore «je ne suis qu'un bruit qui court», chante-t-elle en précisant précautionneusement, «pour l'instant.» Téléphone jeudi après-midi, à cette fille qui lorsqu'elle ose écrire le mot «légère» l'encercle vite d'une parenthèse «(soulève-moi)».

09 mai 2008, 12:00

Votre dernier album s'ouvre sur «le froid d'une carcasse dessoudée» et s'achève sur «de ce paradis-là/Personne ne veut jamais»/En partir personne». Une traversée tourmentée...

Je ne l'ai pas fait consciemment. Mais en effet on passe d'un état sombre et froid, puis finalement on arrive à être stable et heureux. Un voyage à travers un état d'âme. Assimiler, digérer, retranscrire plus tard. Parfois un moment très beau se transforme en mélancolie lorsque je l'écris et inversement.

Vos musiques sont emplies d'ailleurs, on y entend l'Afrique à travers des instruments rares comme le cajon, le guimbri, le bapang. L'exotisme vous plaît?

J'aime le brassage musical. Je suis très imprégnée de musique noire comme le jazz ou la soul. Mais j'écoute aussi du flamenco quotidiennement. Les rebondissements, les mélodies chaloupées et fougueuses me nourrissent. Elles reflètent la vie avec les envolées de la passion et quand tout retombe, il reste le pansement.

Un pansement musical comme Charlie Parker, un oiseau...

Oui la rencontre des oiseaux (rires). Mes parents écoutaient plus Barbara, Brel, Ferré et Jean Ferrat. Ma s?ur m'a amené vers Hendrix et le reggae. Charlie Parker, je l'ai entendu à la radio et tout de suite il me fallait un disque.

Autre héros, l'homme du «blue funk» qui ensorcela le Corbak, Keziah Jones. Une belle balise?

Dans sa musique, on rencontre autant de rythmes que de mélodies. Un musicien complet, seul avec sa guitare, il ne lui manque rien et il dégage tant sur scène.

Votre rapport à la scène reste-t-il compliqué?

(Rires) C'est la panique générale. Non, cela va quand même mieux qu'au début, mais j'aimerais libérer encore plus de choses, jouer avec mon corps. J'aime tant bouger, danser, faire la fête. Donner des concerts plus dynamiques, plus planants, retrouver la belle vivacité de la vie.

Parlez-nous de cette photographie d'Emilie Chedid où on vous voit derrière une grande main rouge...

C'était dans un lieu incroyable de la banlieue de Paris, un antiquaire qui loue et vend du matériel pour le cinéma. On peut y dénicher des effigies géantes de Betty Boop comme de vieux miroirs. Emilie a aimée cette main, cela donne une image forte. / ACA