Le prénom Sarah prédestine-t-il à préparer un master d'ethnologie à l'Université de Neuchâtel? Toujours est-il que, sur les cinq jeunes femmes qui ont réalisé l'exposition «Métèki?», au Musée d'ethnographie de Neuchâtel (MEN), quatre portent ce prénom. Avec Florence Christe, les quatre Sarah (Hillion, Gamaire, Bellasi-Quadri et Beltrami) ont fêté hier le résultat de quatre mois de travail où, comme l'a dit le maître de lieux Marc-Olivier Gonseth, elles ont expérimenté «la curiosité, l'enthousiasme, le doute et le fait de se réveiller la nuit en sursaut».
Les cinq étudiantes ont réalisé «Métèki» dans un double cadre: «Il s'agit du travail pratique en muséographie inclus dans le programme du master en ethnologie», explique Sarah Gamaire. Mais «Métèki?» fait aussi partie des événements et manifestations organisées dans le cadre de Neuchàtoi 2009.
Sous le chapiteau dont elles ont recouvert la «fosse» du MEN, les conceptrices de «Métèki» interrogent et décortiquent les stéréotypes liés à la rencontre de deux qualités propres à en générer: être jeune et musulman. «Je rappelle qu'une initiative populaire fédérale vise à interdire la construction de minarets et qu'un projet de loi veut renvoyer dans leur pays les jeunes délinquants étrangers», a déclaré hier le délégué cantonal à l'intégration multiculturelle Thomas Facchinetti.
Les conceptrices de l'exposition ont utilisé toutes sortes d'outils, verbaux et non verbaux: extraits de livres, coupures de journaux, jouets, objets de la vie quotidienne, voix enregistrées, etc. «Nous avons dû apprendre à penser et à parler à travers les objets», souligne Sarah Gamaire. Si parfois l'exposition se contente d'attaquer un peu frontalement les préjugés, elle trouve ses plus passionnants moments quand elle interroge l'ambiguïté: «La chambre de la jeune fille», explique Sarah Gamaire, «fait évidemment référence à la situation, généralement considérée comme difficile et franchement inégalitaire, des femmes dans les sociétés musulmanes. Mais elle nous interroge aussi sur la façon dont nous traitons les femmes chez nous, par exemple à travers la surexposition et l'hypersexualisation de leur corps.»
Et le caractère très normatif de la société suisse, sa propension à rabattre ou couper les têtes qui dépasse? On peut y trouver, rappelle l'exposition, des vertus égalitaires. Mais aussi le signe d'une grave difficulté à accepter l'autre tel qu'il est.
«Métèki?» sort aussi du cadre helvétique. Ses auteures rappellent ainsi que l'affaire des caricatures de Mahomet a certes donné de l'islam l'image d'une religion pas vraiment dotée du sens de l'humour. Et pourtant, les humoristes maghrébins, souligne l'exposition, comptent parmi ceux qui marchent le mieux en France. /JMP
Musée d'ethnographie de Neuchâtel, jusqu'au 2 août