Manuel Bühler va bien. Il suffit d'un coup d'il pour s'en rendre compte. Affûté - «j'ai perdu neuf kilos en deux mois», lâche-t-il non sans une fierté légitime - souriant, volubile, le jeune homme se sent bien dans son corps et dans sa tête. A 25 ans, il est en train de réussir son «nouveau départ», à 40 kilomètres de chez lui, à Yverdon.
Le «feu-follet», qui à 16 ans affolait les défenses de LNA avec son maillot rouge et noir, sait de quoi il parle. Pendant six mois, il est resté sans club. Un choix personnel. Pour faire le point sur sa vie, ses envies. «En février», narre-t-il, «j'ai décidé de rompre mon contrat avec le FC Sion, d'un commun accord. Il courait jusqu'en 2009 et était financièrement intéressant, mais au bout d'un moment, l'argent n'est plus une priorité.» L'arrangement entre le club sédunois et le joueur prévoyait que celui-ci ne puisse pas s'engager pour un autre club jusqu'en juin.
«Cela me convenait. Je n'ai jamais pensé arrêter le football. J'avais simplement besoin de prendre du recul. J'ai un moment envisagé de retourner en Colombie, mon pays d'origine mais je me suis dit que ce ne serait pas bon pour ma carrière. Trop de tentations. Alors, j'ai préféré revenir chez moi, avec mes parents, à Cortaillod. Cela m'a fait le plus grand bien. J'ai pu y voir plus clair.»
Car la carrière du talentueux milieu de terrain a été plus que chahutée. Parti à GC après Xamax, prêté à Aarau, ensuite engagé à Sion, déclassé par Dellacasa dans l'équipe réserve, encore prêté à Yverdon... Dans ce laps de temps, deux grosses blessures (ligaments internes du genou et une épaule luxée) et pas mal d'illusions perdues.
La goutte qui a fait déborder le vase a été le prêt à Chiasso, en début de saison passée. «Je ne voulais pas y aller au début, mais Sion avait signé un partenariat avec ce club. On m'avait assuré qu'il était ambitieux. Au final tout est allé de travers. Il y avait 16 nouveaux joueurs, la plupart provenant des ligues inférieures italiennes. Les résultats étaient catastrophiques et les éléments prêtés par Sion sont devenus les boucs émissaires...»
D'où le besoin de se reconstruire. «Retrouver une équipe après six mois d'arrêt n'était pas évident, surtout sans agent. J'ai fait du porte-à-porte. Grâce à François Laydu, l'ancien directeur sportif de Xamax, j'ai eu ma chance à Yverdon.»
Le jeune homme a su la saisir. Il a fourni les efforts nécessaires pour retrouver une bonne condition physique et a su séduire le coach, Vittorio Bevilacqua. «C'est un grand entraîneur, qui sait parfaitement diriger un groupe. Très franchement, je ne pensais pas me sentir bien aussi vite. J'ai plus de pression aujourd'hui car je suis plus âgé mais cela ne me fait pas peur. J'ai mûri.»
Manuel Bühler ne tire plus de plans sur la comète. «Dix ans ont passé et je repars. Plus bas que lorsque j'ai commencé puisque je suis en Challenge League. Je n'ai qu'un seul objectif, progresser constamment. Et j'espère, grâce à mon travail, retrouver un jour la Super League et peut-être avoir une chance à l'étranger.»
Mais, pour l'heure, toutes ses pensées sont concentrées sur Yverdon. «Nous avons une bonne équipe qui a les moyens de se mêler à la lutte pour la promotion, même si Saint-Gall et Lugano sont les favoris.» Sans oublier la Coupe: «C'est une compétition spéciale, nous n'allons pas commettre l'erreur de sous-estimer La Chaux-de-Fonds». Un match que le jeune homme ne considère pas vraiment comme un derby. «Pour moi, les vrais derbies sont Xamax - Lausanne ou Xamax - Servette.» Souvenirs d'un temps révolu... /ESA