Frank Giroud, pour mieux s'assurer la paternité de la série, reprend le principe de l'alternance des dessinateurs, avec les hauts et les bas que cela implique évidemment. En effet, si le scénario du premier tome, «Ninon», était plutôt bien ficelé, tissant, sur fond de «Deuxième Terreur», une trame familiale conflictuelle à l'époque du Directoire, l'album était malheureusement desservi par le dessin pâteux et imprécis de Lucien Rollin.
En revanche, le deuxième récit, «Benjamin», s'il contient plus de clichés, marque par compensation le retour d'un dessinateur racé qui s'était fait plutôt rare ces derniers temps: Daniel Hulet. Le point de départ, au demeurant, ne manque pas d'intérêt: le jeune Benjamin, fils de Ninon, déçu par les résultats de la Révolution de 1830, à laquelle il a participé, s'engage dans le projet pharaonique du creusement d'un canal à Suez entrepris par les utopistes saint-simoniens conduits par Prosper Enfantin (tout cela est rigoureusement historique). Mais la suite est un peu cousue de fil blanc: fasciné par un portrait inachevé (ce motif du portrait intervenait déjà dans «Ninon»), le héros retrouve comme par hasard la fille de la femme qui a servi de modèle et qui, ayant imaginé un récit où serait retrouvée la tombe d'un pharaon inconnu (thème déjà évoqué dans le «Décalogue»), se voit rattrapée par son rêve.
Sur cette trame un peu mince, Hulet fait évoluer avec bonheur des personnages attachants baignés de sable et de soleil, dans une atmosphère d'un onirisme puissant.
On peut douter de la pertinence des resucées commerciales de Giroud, mais le dessinateur qu'il s'est adjoint pour l'occasion a su créer un album réellement envoûtant. /ACO
«Benjamin», «Les Fleury-Nadal», 2, Frank Giroud (scénario), Daniel Hulet (dessin), éd. Glénat, 2007