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Les charognards de l'asphalte argentin

A travers une histoire d'amour entre un arnaqueur et une urgentiste, le cinéaste argentin Pablo Trapero montre à nouveau la dure réalité de son pays: «Carancho» est un film noir sur une mafia rapace qui dépouille les victimes des accidents de la circulation.

18 févr. 2011, 11:52

Oiseau charognard d'Amérique, le caracara, surnommé «carancho», se nourrit avec appétit des cadavres d'animaux écrasés par les chauffards. En Argentine, le terme s'applique aux avocats véreux qui spolient les victimes de la route, en s'attribuant les pleins pouvoirs judiciaires pour toucher les indemnités versées par les assurances. Un marché juteux puisque les accidents de voiture constituent la première cause de mortalité du pays!

Depuis qu'il a été écarté du barreau, Sosa (Ricardo Darin) est à la solde d'avocats et de flics corrompus. Suivant les ambulances et rôdant autour des urgences, il cherche des blessés ou des tués. Pire, il lui arrive d'organiser lui-même les accidents! Un soir, il fait la connaissance d'une jeune urgentiste nommée Lujan (Martina Guzman). Bénéficiant de l'autorité du médecin, elle semble mieux s'en sortir que lui, mais peine à tenir son horaire infernal. Réunis dans leur déveine, Sosa et Lujan tombent amoureux et rêvent de rédemption…

Servi par des acteurs d'une remarquable authenticité (Martina Gusman a elle-même fréquenté un hôpital pendant plusieurs semaines), le film multiplie les crashs automobiles et les électrochocs dans les salles de réanimation. Plongée dans la nuit de Buenos Aires, où l'asphalte comme les hôpitaux sont maculés de sang, «Carancho» s'introduit dans une réalité funeste, hélas véridique. Partant, le réalisateur Pablo Trapero, figure de proue du cinéma argentin actuel, inscrit ce sixième long métrage de fiction dans une filmographie très cohérente: rompu au film noir, il disséquait dans «El Bonaerense» (2002) la corruption généralisée de la police d'Etat, héritée de la dictature. Avec «Nacido y criado» (2006), il décrivait le drame d'un père suite à un accident de voiture, avant de dénoncer dans «Leonera» (2008) l'inhumanité des milieux carcéraux, poussant ainsi les politiciens mexicains à régler les droits des mères en prison. Aujourd'hui, «Carancho» est lui-même à l'origine d'un projet de loi «anti-carancho». Brutal mais passionnant, ce film révèle donc une actualité troublante! /RCH

Neuchâtel, Apollo 3; 1h47

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