En octobre 2001, Pascal Holliger avait créé l?association non gouvernementale Imbewu-Suisse, complémentaire à Imbewu Afrique du Sud, dont il est également l?instigateur. Cette ONG bénéficie aujourd?hui du soutien de 180 membres. Sur place, Imbewu emploie aujourd?hui huit personnes salariées.
Pascal Holliger, qu?est-ce qui vous a motivé, en 2001, à lancer ce projet d?ONG en Afrique du Sud? P.H.: Enfant, j?ai passé cinq années de ma vie en Afrique du Sud, de 1983 à 1988. A l?époque, nous habitions à Johannesburg et les seules personnes noires que je côtoyais étaient la bonne et le jardinier. En 2000, six ans après l?élection de Nelson Mandela, je suis retourné en Afrique du Sud pour y découvrir la face du pays où les blancs ne s?aventuraient pas durant l?apartheid: les townships. J?y ai rencontré trois compères qui m?ont initié à leur culture. Tous les quatre, nous organisions des visites touristiques des townships à bord de mon vieux bus VW. Grâce à ces excursions, nous avions amassé une petite somme d?argent, c?est alors qu?est venue l?idée de l?association.
Lorsque vous vivez dans un township, comment êtes-vous accueilli? P.H.: Merveilleusement bien. Aujourd?hui, très peu de blancs vivent dans les townships, environ 99 pour cent des blancs sud-africains n?y ont d?ailleurs jamais mis les pieds. Pour moi, il a suffi de faire le premier pas, les habitants ont tout de suite exprimé leur bonheur à l?idée de notre cohabitation. Ils ont été contaminés par l?idée de la «nation arc-en-ciel» prônée par Mandela et se réjouissent à l?idée d?un métissage. Cependant, malgré les années écoulées depuis la chute de l?apartheid, l?idée de la supériorité blanche reste ancrée dans les mémoires. A travers Imbewu, nous tentons notamment de briser quelque peu cette image.
Mercredi dernier, vous êtes revenu d?un voyage en Afrique du Sud avec des membres d?Imbewu? P.H.: Exactement. Seize membres de l?association se sont rendus durant deux semaines et demie en Afrique du Sud. Ces derniers participent à l?ONG en versant une cotisation annuelle ou en parrainant un enfant à raison d?un franc par jour. Lors du voyage, nous avons passé trois jours dans les townships de Port Elizabeth pour voir les enfants parrainés et créer des ponts entre les deux pays, une aventure riche en émotion.
Que représente Imbewu dans votre vie personnelle? P.H.: Depuis environ quatre ans, je consacre bénévolement de trois à quatre heures par jour à Imbewu. Ce qui me captive, au-delà de l?aide que nous apportons, est le fait de monter un projet, de ne partir de rien et d?aboutir à quelque chose, de mettre des gens en réseau. En avril 2006, Adolf Ogi nous a rendu visite en Afrique du Sud. Nous avons organisé un événement dans le cadre de Festineuch 2004 et le premier décembre, le propre fils de Steve Biko, une des grandes figures de la lutte antiapartheid en Afrique du Sud, viendra donner une conférence à Neuchâtel.
En décembre, vous partirez vivre dans un township. Quels sont vos buts et vos espérances? P.H.: Je suis rarement des plans préétablis. Comme je me trouve à la fin de mes études, la création du poste de coordinateur tombait on ne peut mieux. Mon contrat avec Imbewu en tant que salarié s?étend sur une durée de deux ans. Je coordonnerai le développement de l?activité sur place et représenterai la Suisse et ses donateurs. Je serai également chargé de fournir des dossiers réguliers à Roger Federer, afin qu?il puisse répondre de manière précise aux questions éventuelles de la presse. Notre programme, s?il est respecté, permettra au nombre d?enfants soutenus de passer de 450 à environ 3500 en 2008.
Pourriez-vous vous installer dans le township de Port Elizabeth? Y fonder une famille? P.H.: Pourquoi pas. Je me sens chez moi en Afrique du Sud. J?y ai passé une bonne partie de ma vie et ce pays est en moi, il me fascine. Les gens là-bas me surnomment le «white nigger», le nègre blanc! J?aime cette culture, la musique et tout ce qui s?y rattache. Les tumultes des temps passés ont légué au pays une histoire qui est palpable partout: on y «vit» l?histoire au quotidien. / LAP