«La cécité, pour les gens qui voient, est la chose la plus terrible à imaginer. On ne peut pas savoir comment on réagirait si un tel malheur nous arrivait. Mais non, je ne m’ennuie pas, et oui, il y a une vie après la vue.»

Le Vallonnier Bernard Schneider ne choisit pas ces derniers mots au hasard. Il en a fait le titre de son ouvrage à paraître d’ici la fin du mois. Après avoir retracé sa première vie de président de tribunal de Môtiers dans «Juge de campagne» en 2018, l’ancien magistrat y dépeint la seconde, plongée dans le noir.

«Après mon 1er livre, on m’a demandé si je voulais continuer à écrire», explique-t-il. «Comme je suis incapable d’écrire un roman, j’ai voulu faire découvrir le monde des aveugles à travers mon expérience de pratiquant.»

Rétinite foudroyante

«Cela fait 26 ans que je suis en état de handicap visuel total», rappelle le Môtisan. «Tout est arrivé assez soudainement.»

Retour dans les années 1990. Bernard Schneider connaît alors des ennuis de santé et sa doctoresse suspecte une rétinite. Elle l'envoie tous les trois mois contrôler ses yeux au Chuv, à Lausanne. «Après deux ans, j’ai changé de doctoresse et la nouvelle a omis de me prescrire ces contrôles. Je ne me suis pas inquiété, car j’avais toujours eu de bons résultats. En ça, je suis co-auteur de ma situation.»

En 1996, Bernard Schneider remarque que sa vue se trouble en lisant un livre. «C’était mon dernier. Ma vue est partie très vite.» Avant la fin de l’année, il quittait son travail en raison de sa cécité.

Mon chien m’a récemment envoyé contre un poteau du lotissement. Je l’ai pris en plein nez! J’avais heureusement une casquette. Elle a joué le rôle d’amortisseur. C’est pratique, une casquette, non?

Bernard Schneider, auteur de «La vie après la vue»

Quelques bribes de vue restantes ont d’abord permis au Vallonnier de s’adapter. «J’avais par exemple acheté des assiettes spéciales avec un grand rebord bleu, afin de pouvoir distinguer les limites de mon assiette. Mais depuis 2003, je ne vois vraiment plus rien.»

Et Bernard Schneider de citer un exemple: «Mon chien m’a récemment envoyé contre un poteau du lotissement. Je l’ai pris en plein nez!», dit-il, avant de sourire. «J’avais heureusement une casquette. Elle a joué le rôle d’amortisseur. C’est pratique, une casquette, non?»

Sens de l’humour

L’anecdote est révélatrice. Bernard Schneider a su garder un bon sens de l’humour malgré son infortune. Cela lui permet de parler librement de différents aspects de sa vie, comme le fait remarquer son ami Claude-Alain Kleiner, qui l’aide dans les démarches de production du livre: «Notre graphiste m’a dit que son récit était entre une histoire de vie et un mode d’emploi, et elle a raison: Bernard pourrait effectivement donner un cours magistral sur la cécité.»

Il continue: «Je suis admiratif de ce qu’il fait. Ecrire un livre est long et fastidieux. Mais écrire un livre en étant aveugle, c’est encore plus fort.» En effet, chaque mot a été tapé à l’ordinateur par l’auteur, aidé par une assistance vocale. «J’y ai travaillé toute une année», résume Bernard Schneider.

Des impairs à éviter

Anecdotes historiques, rôle de la canne blanche ou encore fonctionnement de l’écriture braille, les lecteurs pourront découvrir les réalités d’une vie sans voir. Bernard Schneider y aborde aussi les impairs, «heureusement peu fréquents», à éviter lorsqu’un voyant s’adresse à un aveugle.

Les plus vexants? Demander à l’accompagnant d’un aveugle de répondre à sa place aux questions le concernant. «J’ai parfois eu l’impression d’avoir été considéré par certains comme un objet.»

«La vie après la vue» est en précommande durant ce mois d’août au kiosque de Couvet. L’ouvrage sera verni le 1er septembre (18h) à la Maison des mascarons de Môtiers.

Le Môtisan Bernard Schneider raconte «la vie après la vue»

L’ancien juge est atteint de cécité depuis 26 ans. Il livre un ouvrage permettant de «découvrir le monde des aveugles à travers son expérience de pratiquant».