Pour bien comprendre, un retour en arrière s'impose. Le 8 janvier dernier à l'aube, une violente altercation se produit à Fleurier en marge d'une fête du Petit Nouvel An. Un jeune est alors grièvement blessé, ses deux agresseurs arrêtés et incarcérés (notre édition du 9 janvier). Le 27 février, l'un des prévenus, requérant d'asile de 18 ans, décède subitement à la prison de La Chaux-de-Fonds (notre édition du 8 mars). Dans cette même édition, l'Office social de l'asile, duquel dépendait le prévenu, fait paraître un faire-part de décès. Le Collège du Val-de-Travers en fera de même, le lendemain, dans les pages du «Courrier du Val-de-Travers».
Une initiative, celle de l'office de l'Etat, qui n'a pas plu à Noël Auclair, qui a voulu savoir pourquoi l'Etat avait rendu «un quasi-hommage officiel à un délinquant étranger!» Choqués par ces propos, Fabian Spigariol - conseiller général socialiste à Fleurier - et Mathieu Erb - conseiller général libéral-PPN à Couvet - font paraître une lettre ouverte, dans laquelle ils font part de leur «indignation» au député, qui aurait dépassé les limites de l'éthique. «Cette réaction était réfléchie, mais nous n'avons pas été conseillés, précise Fabian Spigariol. Notre principale motivation était de répercuter les propos de Noël Auclair au Val-de-Travers. Les gens doivent savoir.»
Et les gens réagissent, des jeunes surtout. Sur le site e-vallon.ch, le forum s'anime: «Bravo à Spiga et Mathieu pour leur lettre ouverte dans le courrier concernant un certain député UDC du vallon, écrit Mabar (les pseudonymes sont la règle sur les forums). Si nos représentants à Neuchâtel n'ont que ce genre de réflexion xénophobe comme leitmotiv, où va-t-on??? En effet, on peut déplorer certains agissements de quelques requérants d'asile, de là à les mettre tous dans le même sac, il y a une barrière à ne pas franchir.»
L'UDC n'a pas mis long à réagir, et pas n'importe comment. Yvan Perrin, conseiller national UDC, président de l'UDC neuchâteloise et conseiller communal à La Côte-aux-Fées, s'est lui aussi fendu d'une lettre ouverte, dans l'édition suivante du même journal. Sous le titre: «Autruche: seul animal officiellement doué de sens politique», il écrit: «L'étonnant duo fustige le fait que la question évoque un requérant d'asile, ce qui selon eux aurait des relents d'amalgame xénophobe. (...) Nos deux compères font ainsi une brillante démonstration des ravages du politiquement correct qu'ils évoquent eux-mêmes et dont le dogme est d'éviter d'appeler un chat un chat ou un requérant d'asile un requérant d'asile.»
Une manière de retourner le problème qui ne plaît pas à Jean-Nath Karakash, député socialiste: «Les propos de Noël Auclair sont racistes. Mais le problème de l'amalgame dépasse la région. On ne peut pas mettre cela sur le compte ni des conseillers généraux, ni de Noël Auclair. C'est le fruit d'un travail de sape populiste de l'UDC, qui distille cette idée dans la population.»
Sylvain Piaget, député radical du Val-de-Travers, relève également la xénophobie qui ressort de la question de Noël Auclair: «Je peux comprendre que cette question ait été posée, comme je comprends la réaction de Mathieu Erb et Fabian Spigariol. Mais c'est la manière qui n'est pas appropriée. Monsieur Auclair mélange un fait administratif avec un fait émotionnel. On a vite fait de tout lier, et la xénophobie n'est plus loin.»
Le faire-part de décès est bien loin. Jean-Nath Karakash: «Il ne faut pas oublier qu'il y a quand même eu une terrible agression à la base de tout cela. Nous assistons à une récupération politique. L'UDC a pris le prétexte d'une annonce pour stigmatiser ce drame.»
«J'ai reçu beaucoup d'interpellations de gens émus par ce faire-part, corrige Yvan Perrin. Des proches de la victime s'en sont aussi émus. Mon répondeur a été saturé de réactions. Comme je ne suis pas député, j'ai demandé qui pouvait intervenir. Vu l'historique de l'affaire, c'est naturellement Monsieur Auclair qui s'en est chargé. Le principal problème dans cette affaire, c'est la représentation des armes de l'Etat, faisant penser à un hommage officiel. Il semble qu'à l'Office social de l'asile, quelqu'un ait pris cette liberté. Le même avis sans écusson ne m'aurait pas gêné». / FAE