Sur le parking du restaurant du Chapeau-de-Napoléon, 16 side-cars des marques Ural (Russie) et Dnepr (Ukraine) contemplent la vallée en contrebas. «Rassurez-vous, il n'est pas nécessaire d'avoir la carte du parti pour rouler avec nous», lance Guy, de Paris. «Nantes, l'Alsace, Genève... Ils ont parcouru des centaines de kilomètres pour rallier le Val-de-Travers», explique Philippe Debiève.
Assis confortablement dans le panier (nacelle attelée à la moto), les paysages défilent devant nos yeux. Bercé par de petites secousses et le bruit du moteur, le passager se laisse aller à humer l'odeur du printemps. «Plus jeune, je roulais en enduro. Mais j'ai toujours été attiré par le side-car», raconte Philippe Debiève. «C'est l'aventure, la liberté.»
Une liberté paradoxalement offerte par le côté «désuet» de ces machines. «Il faut aimer mettre les mains dans le cambouis», explique Jean-Marie, dit «la Béquille». Ce ne sont pas des bêtes de fiabilité mais, où que l'on se situe sur la planète, on dénichera toujours quelqu'un qui sache les réparer.» Et Frédéric, dit «Lénine», pour sa ressemblance avec l'ancien leader communiste, d'ajouter: «On fait de la moto à l'ancienne. Fini les dix cols par jour et la folie de la vitesse. Nos side roulent à 80-90 km /heure.»
Sur le bord de la route, les passants surpris s'arrêtent, sourient, font signe aux motards. Saint-Sulpice, Fleurier, Couvet, Môtiers... «C'est génial de voir à quel point nos machines suscitent la sympathie chez les gens», note la Béquille.
Guidé par les effluves anisés probablement laissées derrière elle par la fée verte en personne, le cortège poursuit sa route. Prochaine halte: l'absintherie du Père François à Môtiers. «On se limitera à un seul verre, même si on se déplace sur trois roues», conclut Lénine. / YHU