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Courant océanique deviendra électrique

28 oct. 2011, 11:40

Le 22 octobre, Electricité de France a immergé sa première hydrolienne - 16 m de diamètre, 850 tonnes -, par 35 m de fond au large de l'île de Bréhat (Bretagne). De fabrication irlandaise, l'engin, baptisé - formellement, par un prêtre! - «L'Arcouest», devrait être rejoint d'ici un an, passé quelques mois de tests, par trois autres hydroliennes, de quoi alimenter 2000 à 3000 foyers.

Une même effervescence règne au nord de l'Ecosse, dans l'archipel des Orkneys, jadis exportateur prospère de produits tirés du kelp, une algue géante. Aujourd'hui, c'est l'European Marine Energy Centre (Emec), financé par l'Union européenne, qui y amorce un possible regain de prospérité, en y testant plusieurs concepts d'hydroliennes (1).

L'exploitation des forces océanes a connu un éphémère engouement dans les années 1960, avec de grands barrages construits en travers de marées.

Près de Saint-Malo, l'usine marémotrice de la Rance est restée longtemps l'ouvrage le plus imposant - une réalisation coréenne l'a détrônée cette année. Mais «l'heure est venue d'exploiter l'énergie des marées avec de petites installations», insiste le directeur de l'Emec, Neil Kermode.

Une densité supérieure

On ne vise plus désormais le mouvement vertical des marées, comme dans les barrages, mais des courants horizontaux, dont l'action mécanique sur des turbines immergées génère de l'électricité. On songe à l'équivalent aérien, l'éolienne. Sous les eaux toutefois, deux spécificités, contraignantes. D'une part, l'eau de mer a une densité 800 fois supérieure à celle de l'air: la puissance qu'elle concentre impose aux turbines une taille restreinte et une robustesse extrême. L'an dernier, au Canada, une turbine a ainsi perdu toutes ses pales à peine installée! Or, les lieux d'implantation, mal accessibles, ne prêtent guère à des réparations à répétition…

D'autre part, il n'y a pas pléthore de lieux où les courants affichent assez de rapidité - plus de 2 m/s - pour assurer les meilleurs rendements: la production étant proportionnelle à la vitesse du courant élevée au cube, quand celle-ci diminue de moitié, il est généré huit fois moins de courant. Les Orkneys, avec localement des courants de 3 m/s, et la baie de Fundy (Nouvelle-Ecosse, Canada), figurent parmi les très rares sites optimaux, où les eaux sont forcées entre deux terres, avec 20 m de fond au moins, requis par la plupart des modèles d'hydroliennes. Afin de multiplier les sites d'implantation potentiels, des solutions tirant profit de courants plus lents sont à l'essai: accélération de l'eau par une conduite, déplacement astucieux de la turbine contre le courant… Une étude européenne jugeant utilisables des courants de 1,5 m/s permet ainsi d'envisager 106 sites.

Le potentiel de production sur les côtes d'Europe est évalué actuellement à 12 GW (Gigawatts, ou milliard de Watts), l'équivalent de 12 centrales nucléaires.

Pas énorme, railleront certains - de même que l'approvisionnement de 3000 foyers par les quatre premières hydroliennes bretonnes a été immédiatement moqué sur le web comme «dérisoire». Mais ces contributions sont à resituer dans un contexte global énergétique nouveau qui appelle la mobilisation nécessaire de toutes les énergies renouvelables ensemble, aucune ne pouvant assurer seule l'approvisionnement.

Contexte appelant aussi une production délocalisée, désormais, à moindre échelle: pour exemple, d'ici 2013 10 hydroliennes seront immergées entre les îles d'Islay et de Jura, hauts-lieux du whisky dans le sud-ouest de l'Ecosse, dont les distilleries fameuses carbureront dès lors au jus d'océan…

(1) New Scientist 2830, 20.09.2011, «Current power: New tide turbines tap oceans of energy»

 

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