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Ankara profondément "déçu" par les propos du pape

Le pape François a utilisé dimanche, lors d'une messe, le terme "génocide" pour qualifier le massacre des Arméniens il y a cent ans. Les réactions côté turc ont fusé. La Turquie a rappelé son ambassadeur au Vatican.

12 avr. 2015, 18:32
Le pape s'est cependant employé à n'utiliser qu'entre guillemets le terme de génocide, vivement rejeté par Ankara.

"Au siècle dernier, notre famille humaine a traversé trois tragédies massives et sans précédent. La première, qui est largement considérée comme le premier génocide du XXe siècle, a frappé votre peuple arménien", a déclaré le pontife en citant un document signé en 2001 par le pape Jean Paul II et le patriarche arménien.

Il a ensuite évoqué les tragédies perpétrées "par le nazisme et par le stalinisme" puis cité les "exterminations de masse" au Cambodge, au Rwanda, au Burundi et en Bosnie.

Le pape s'exprimait lors d'une messe pour les fidèles de rite catholique arménien, concélébrée avec le patriarche arménien Nerses Bedros XIX Tarmouni à l'occasion du centenaire des massacres de 1915-1917, en présence du président arménien, Serge Sarkissian.

"Loin de la réalité légale et historique"

"La déclaration du pape, qui est loin de la réalité légale et historique, ne peut pas être acceptée", a réagi sur son compte Twitter le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu.

Le ministère turc des Affaires étrangères a très vite réagi en convoquant le représentant du Vatican à Ankara, l'archevêque Antonino Lucibello, afin qu'il s'explique sur l'utilisation de ce terme de "génocide", que les autorités turques ont toujours récusé. Ankara a en outre rappelé pour consultations son ambassadeur en poste au Vatican.

Ensuite, dans un communiqué, le ministère a exprimé sa "grande déception et tristesse". Il a reproché au chef des catholiques romains de "prendre partie" en ignorant la souffrance des musulmans et d'autres groupes religieux à la même époque.

"Très courageux"

"Je pense que c'était très courageux" de la part de François, a réagi le vaticaniste Marco Tosatti. "Avant de devenir pape, Jorge Bergoglio avait déclaré clairement plusieurs fois que c'était un génocide. En citant Jean Paul II, il a renforcé la position de l'Eglise en indiquant clairement son point de vue sur le sujet".

Évoquant les innombrables victimes, majoritairement chrétiennes, d'une "effroyable et folle extermination", le pape a insisté: "Se souvenir d'eux est nécessaire, plus encore c'est un devoir, parce que là où il n'y a plus de mémoire, cela signifie que le mal tient encore la blessure ouverte".

Reconnu par plus de 20 pays

Les Arméniens estiment que 1,5 million des leurs ont été tués de manière systématique à la fin de l'empire ottoman. Nombre d'historiens et plus d'une vingtaine de pays, dont la France, l'Italie et la Russie, ont reconnu un génocide.

Côté suisse, le génocide arménien a été reconnu en 2003 par le Conseil national, ce qui avait causé des tensions entre la Suisse et la Turquie. Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat genevois l'ont également reconnu.

La Turquie affirme qu'il s'agissait d'une guerre civile, doublée d'une famine, dans laquelle 300 à 500'000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.

En 2014, le président turc islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, avait présenté pour la première fois des condoléances aux Arméniens, sans pour autant cesser de contester toute volonté d'extermination.

Dialogue de sourds

La déclaration du pape risque de compliquer encore un peu ses relations avec la Turquie. Sa visite en novembre y avait été marquée par un dialogue de sourds, le pape se faisant l'avocat d'une alliance des religions contre le terrorisme tandis que les autorités d'Ankara restaient arc-boutées sur une dénonciation de l'islamophobie.

Au cours de la messe de dimanche, François a aussi proclamé "docteur de l'Eglise" Saint Grégoire de Narek, moine mystique arménien du Xe siècle.

Comme il l'a fait à de nombreuses reprises et avec force ces dernières semaines, le pontife argentin a en outre évoqué les violences qui frappent les chrétiens à travers le monde, en particulier au Moyen-Orient. "Aujourd'hui encore, nous sommes en train de vivre une sorte de génocide causé par l'indifférence générale et collective", a-t-il insisté.

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