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A l'ombre de trois Giacometti

Le 23e Salon du livre et de la presse de Genève a ouvert ses portes hier. En marge du traditionnel bouillonnement ludico-culturel, la grande exposition 2009 est consacrée à la famille Giacometti - Alberto bien sûr, mais aussi son père Giovanni et son frère Diego.

23 avr. 2009, 08:44

Le Salon du livre de Genève, c'est bon an mal an une centaine de milliers de visiteurs qui déambulent dans le vaste dédale de livres, d'échoppes, d'animations, et d'événements parallèles. Parmi ceux-ci, la «grande exposition» est dévolue «aux» Giacometti.

«Les» Giacometti car la silhouette longiligne de «L'homme qui marche» est, paradoxalement, l'arbre qui cache la forêt familiale. Autrement dit, la reconnaissance planétaire de l'œuvre d'Alberto Giacometti a pour le moins fait de l'ombre à celle de son père Giovanni et à celle de son frère Diego.

«De fait, c'est toujours Alberto qui tire la couverture à soi, et les autres sont moins exposés. Il m'a paru par exemple intéressant de pouvoir comparer les différentes manières de chaque artiste à travers le même sujet», constate Frédéric Künzi, commissaire de l'exposition et auteur du catalogue qui l'accompagne.

Se croisent alors, sur deux podiums, leurs regards communs et divergents sur le village familial, Stampa, dans le canton des Grisons, ou sur Ottilia, la sœur d'Alberto et de Diego.

A Genève, 28 aquarelles et 19 huiles signés Giovanni Giacometti (né en 1868 et décédé en 1933) sont présentées. Giovanni, représentant du néo-impressionnisme suisse, a pu vivre de son art dès la fin du 19e siècle jusqu'à sa mort, avec une vraie reconnaissance et moult expositions. Ce qui peut paraître étonnant au vu du fait que même s'il est passé par Munich et Paris, c'est du fond de ses montagnes grisonnes que le patriarche a mené l'essentiel de sa carrière...

«Il y avait une très grande complicité entre Giovanni et Alberto, et en même temps des conflits artistiques, parce que Giovanni voulait représenter les choses de façon beaucoup plus figurative que son fils», constate Frédéric Künzi.

La reconnaissance, le frère d'Alberto, Diego, (né en 1902, soit un an après Alberto, et mort à Paris en 1985) aura beaucoup plus de difficulté à l'atteindre. «Diego a toujours vécu en retrait de son frère, mais en participant activement à ses œuvres, puisque c'est lui qui gâchait le plâtre, c'est lui qui faisait les patines, il était parti intégrante de l'œuvre d'Alberto», explique le commissaire de l'exposition.

D'un point de vue artistique, alors qu'Alberto ne se consacrait presque exclusivement qu'à la figure humaine, Diego, à travers les arts déco et le design, se concentrait sur les règnes végétal et animal. «A l'exception de quelques rares figures humaines, assez filiformes, qui se rapprochent de celles d'Alberto», relève Frédéric Künzi.

«Il s'est toujours identifié - avec discrétion, mais non sans fierté - comme le véritable alter ego d'Alberto. Il aura fallu la disparition de son frère, plus de soixante ans après sa naissance - en pleine maturité donc - pour qu'il se consacre totalement, pendant deux décennies, à une œuvre hautement personnelle à laquelle il ne voulait attacher trop d'importance, tout en étant pleinement conscient de son originalité (...)», écrit Daniel Marchesseau, conservateur général du Patrimoine, directeur du Musée de la vie romantique à Paris.

Etonnante vie artistique, donc, que celle de Diego, qui n'aura pu «vraiment commencer à s'épanouir», comme le dit Frédéric Künzi, qu'en 1966, après la mort de son frère, pourtant aimé. Toutes les œuvres de Diego visibles à Genève (meubles et animaux, dont une rarissime «Lionne» de ses débuts) sont issues directement de l'habitation ou de l'atelier de l'artiste.

Quant à Alberto, le phare, il est représenté à Genève à travers 23 œuvres marquantes de son parcours, dont une étranges et minuscule sculpture: «Il était un éternel insatisfait, et recommençait de nombreuses fois. Nous avons dans l'exposition une de ses petites œuvres, «Femme debout» de 1954, qui était à l'origine une plus grande œuvre. Mais au bout d'une nuit de travail, à force de la retoucher, elle avait passé de 30 à 10 centimètres!» /BLE

Cet article est repris du site www.swissinfo.ch

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