«La vie, c’est un truc bizarre!» Cet épilogue insupportablement facile de «La Cuisine d’Elvis», une comédie sociale de l’auteur britannique Lee Hall, résume l’atmosphère sordide et pesante mais tellement réaliste qui règne au sein de cette famille chaotique sortie de notre quotidien.
Choix audacieux du Groupe théâtral des Mascarons à Môtiers, l’histoire interpelle, ravit, surprend, révolte, choque, émeut, ne laisse en tous les cas pas indifférent. Ceci grâce au jeu subtil des comédiens qui manient avec bonheur la dérision et l’humour au second degré, question d’atténuer l’intensité dramatique de certaines scènes.
Une vie de famille mouvementée
Le spectateur est ainsi propulsé sans ménagement dans l’intimité domestique et névrotique d’un foyer de la classe moyenne. On y trouve Dad, le père tétraplégique (Yves Barrelet), ancien imitateur transformiste d’Elvis Presley cloué dans un fauteuil roulant; Mam, sa femme (Laurence Fankhauser), assoiffée de sexe et d’alcool, paumée comme tout le monde; et Jill, sa fille (Marie Chauvy), adolescente en crise, boulimique et complexée passionnée par la cuisine. L’arrivée impromptue de Stuart (Matthieu Frochaux), jeune amant de Mam, vient dévaster la tranquillité relative du trio familial.
Huis clos sans tabou
Ce huis clos, qui traite du sexe sans interdit ni barrage, pourrait s’apparenter à un conte pour adulte insignifiant. Pourtant, on est impressionné par la sincérité avec laquelle les acteurs donnent vie à leur personnage. Ils sont tout aussi irrésistibles dans la monstruosité déconcertante que dans la détresse absolue. Et lorsque Dad, ressuscité, s’adonne à sa passion, on est subjugué.
Sobre, tonique, la mise en scène de Thérèse Roy ne tombe pas dans le piège de la parodie, respectant les destins à la dérive de chaque protagoniste.
Pierre-Alain Favre
Môtiers, Maison des Mascarons, jusqu’au 7 décembre, réservations au 079 633 48 25.