Léon Daucourt est un membre actif du Ghete, l'association franco-suisse qui se penche sur l'histoire de la contrée. Suite à une journée consacrée à l'industrie du verre dans la vallée du Doubs, il a eu l'idée d'aller gratter du côté de la Caborde, à deux pas de Goumois. Là, il a découvert dans le sol les restes de la halle de chauffe de la verrerie d'antan. Il a mis la main sur des débris de groisil, des restes de verre. C'est le déclic de cette aventure.
Le Jurassien va alors plonger dans les livres d'histoire pour connaître les maîtres verriers qui ont transité par la vallée du Doubs. Son travail fouillé peut être consulté sur son site (www.daucourtal@bluewin.ch), qui a déjà été visité par 23.000 personnes! Il va ensuite enfourcher son vélo pour remonter le temps et effectuer en neuf étapes le périple que les verriers ont effectué en 143 ans. Tout part de Welschenrohr, près de Moutier, avec un certain Samuel Schmid qui, en 1662, se rend en Forêt-Noire pour exploiter une verrerie.
Le fils de Samuel, Melchior, sera demandé par le prince-évêque de Bâle (car il est de confession catholique) pour installer une verrerie du côté de Lobschez, près de Soubey. Les verriers s'approvisionnaient en sable vitrifiable à Saules et à Saicourt et le verre à vitre était en partie écoulé par les Savoyards. Cette fabrique va être exploitée de 1659 à 1696, le temps de couper tout le bois de la région...
Léon Daucourt regrimpe sur son vélo pour la prochaine étape, qui n'est pas bien longue, puisqu'en 1690 Melchior Schmid traverse le Doubs et remonte 1,5 kilomètre pour aller fonder une nouvelle verrerie à La Caborde, près de Goumois.
Là, c'est le baron de Montjoie qui l'autorise à construire une unité de production. Melchior Schmid décède en 1703 et les magnifiques pierres tombales dans la nef de l'église de Fessevillers attestent de l'importance des verriers pour la région.
Le Jurassien va suivre ensuite les traces de Jean Schmid, fils de Melchior, qui va remonter la vallée du Doubs pour s'installer en 1708 à la Chapelle-des-Bois. La famille Schmid va quitter la vallée du Doubs en 1744 pour gagner d'abord l'Ain (Chézery), où les bâtiments des verriers sont magnifiquement restaurés, puis, via Bellegarde, la Haute-Savoie (Disonche). Les frères Pierre et Melchior Schmid en sont les propriétaires. Il y a un troisième frère, Alexis. Les verriers tirent leur sable du Salève et leur verre de vitre, affirme Léon Daucourt, surpasse en blancheur celui de Chézery. Ils fabriquent aussi des bouteilles façon Bourgogne.
Pierre Schmid et son fils Jacques vont ensuite fonder Thorens en Haute-Savoie (1755-1860), une verrerie qui va compter jusqu'à 500 ouvriers pour une production industrielle. Les deux frères Joseph et Alexis vont de leur côté gagner le pont du Trient, en Valais, mais ils vont s'endetter. Joseph va se sauver à Livourne, tandis qu'Alexis gagne la Corse, près de Bastia, là où, hasard de la vie, Léon Daucourt passe des vacances depuis 30 ans! Il va retrouver sur place, grâce à un berger, la verrerie que créa Alexis à quelques centaines de mètres de la mer. A chaque étape, le Jurassien a recueilli des débris de verre. La trace d'Alexis s'arrête là...
Quant à Joseph Schmid, il sera ouvrier souffleur à Livourne. Il aura 18 enfants de deux lits et il s'éteint en 1803 à l'âge de 77 ans. Léon Daucourt est de retour dans le Jura après ce formidable périple, qu'il va retranscrire sur son site internet mais aussi dans le bulletin du Ghete de juin 2005.
Mais la surprise du Jurassien ne va pas s'arrêter là. Un coup de fil de Paris puis une lettre vont lui faire retrouver la trace de la famille Schmid et compléter en partie l'arbre généalogique de cette famille. Une descendante directe des Schmid, âgée aujourd'hui de 92 ans, s'est manifestée. La dernière descendante de cette famille est une certaine Agnès Corriol, née en 1984 à Paris! / MGO