Terrible Style a dix ans et fête cet anniversaire ce soir à la Case à chocs par un concert de Brasco & El Matador et une «battle» de breakdance*. Derrière l'événement et les deux mots Terrible Style - nouvelle dénomination d'Unik Version depuis 2004 -, un jeune homme dont le nom apparaît régulièrement dès qu'on parle de culture hip-hop et de breakdance à Neuchâtel: Avni Krasniqi.
«J'ai fait sa connaissance au milieu des années 1990, et j'ai été rapidement frappé par son énergie et son intelligence», raconte Olivier Arni, animateur au Centre de loisirs (CdL). «Il faut comprendre qu'il tenait un peu la famille sur ses épaules.»
«C'était normal», relève Avni Krasniqi. «Du fait de son travail en Suisse allemande, nous ne voyions guère mon père. Dans ces circonstances, ma culture d'origine suppose que l'aîné devienne un peu l'homme de la famille. Mais il est vrai que ça fait grandir vite.»
A son arrivée à Neuchâtel, Avni Krasniqi n'a pourtant pas beaucoup d'atouts dans sa manche: il vient de passer quatre ans en Allemagne, puis un peu plus d'une année au Kosovo. «Je ne savais pas le français. J'ai fini l'école obligatoire en terminale avec une dixième année, là où se retrouvent tous les pots cassés.» L'adolescent ne se fait alors pas de réflexion élaborée du genre: «Je suis un jeune immigré en échec scolaire, mais je ne tomberai pas dans la délinquance.» Plus simplement, raconte-t-il, «je me suis dit qu'il me fallait un boulot: on ne peut pas sans arrêt demander du fric aux parents, ni passer son temps à la place Pury ou au Las Vegas à regarder les mouches voler».
Un patron de boîte temporaire l'engage et l'envoie «là où il y a du travail», avant qu'il n'entame un apprentissage d'installateur sanitaire.
«Mais le break et le foot m'ont aussi aidé à m'en sortir.» Avni Krasniqi ira plus loin avec le premier - sur lequel il «flashe» en 1992 lors d'un spectacle à la Coupole de Bienne - qu'avec le second. «Bon, notre première battle avec Unik Version n'était pas terrible: nous avons fini derniers. Mais nous avons repris l'entraînement, Olivier Arni a cadré tout ça, et, en 1998, nous sommes devenus vice-champions de Suisse, qualifiés pour les championnats du monde.»
1998, année charnière. «Un an avant, Olivier nous a poussés à monter un projet pour les 150 ans de la République. Je n'avais jamais fait ça, mais notre projet a été retenu.» Le CdL de Neuchâtel et son homonyme chaux-de-fonnier organisent une soirée de break à La Vue-des-Alpes. Et Avni Krasniqi prend goût au travail d'organisateur.
«Nous nous sommes encore qualifiés pour les championnats du monde de break en 1999, mais parallèlement, nous nous sommes mis à organiser des concerts. Nous devrions toujours bouger à l'extérieur pour voir nos groupes préférés. Nous nous sommes dit que nous pourrions aussi bien les faire venir ici.»
Père de famille depuis quelques années, Avni Krasniqi admet qu'il pilote les opérations. «Mais je ne pourrais rien faire sans les miens, les membres du groupe et les coups de pouce de gens comme Olivier Arni et Pierre Dubois. Que fera-t-il dans dix ans? «J'espère avoir la santé et que ma famille se porte bien.» /JMP
*Ce soir, 22h, Case à chocs