Une performance hallucinée du poète et de sa muse

21 févr. 2008, 12:00

En guise d'ouverture de sa septième édition, le festival Otherjazz donnait carte blanche à Alexandre Caldara, mardi au théâtre du Pommier, à Neuchâtel. L'occasion pour lui de présenter son spectacle «Bach, Schumann et l'ombre de Nico», une performance réunissant une pianiste, un vidéaste et un poète.

Dans une ambiance minimaliste, Alexandre Caldara commence sa récitation, un recueil à la main, change de livre et commence à s'animer, nouant un dialogue avec les notes de Judith Wegmann. Les textes prennent vie, en chemin, la structure s'efface devant la répétition, la cadence s'accélère et laisse lecteur et auditeurs perplexes. Il lit et relit, s'étonne comme s'il découvrait une ?uvre qui n'était qu'à moitié sienne. Entre surréalisme et psychédélisme, le ton alterne rire et gravité, le sens s'emmêle au fil des mots qui se démêlent. Derrière lui, les projections de Luc Gobyn sont aussi lysergiques que les vers, l'abstrait prenant forme avec du recul.

Fouillant parmi ses feuillets, Alexandre Caldara cherche du sens dans ses mots figés sur le papier comme le témoignage d'un voyage onirique, rit de ses manuscrits et se reprend. Et soudain, comme sous l'effet d'un mauvais retour d'acide, la logorrhée s'emballe et se retourne sur elle-même.

En seconde partie, la musique de John Cale gronde et Alexandre Caldara fixe un écran vide sur lequel se dessine la figure de Nico. Sa présence anesthésiée s'impose par sa voix monocorde et par les accords d'harmonium. En contemplation devant sa muse, le poète laisse la musique enregistrée envahir l'espace avant que le clavier de Judith Wegmann ne s'en mêle et finisse par reprendre le dessus. Alexandre Caldara peut alors entamer une ode à une égérie disparue, égérie qu'il partage par citations interposées avec Andy Warhol. A l'image, la frange austère prend des teintes irréelles avant de céder au noir et blanc qui lui sied mieux. Le poète se trémousse, faussement extatique, dos au public avant de déclamer quelques derniers vers.

Alexandre Calandra et ses acolytes ont livré une performance plus hallucinée qu'hallucinante, parfois proche de l'art brut, parfois d'un classicisme déconcertant. Le déséquilibre entre les deux parties, la première s'appuyant principalement sur les textes, la seconde sur la musique et les images, évite de tomber dans la monotonie. Si poésie et musique, tant classique que plus expérimentale, sont parfaitement maîtrisées, on regrettera cependant un usage un peu limitatif des arts visuels.