Joué mercredi au théâtre du Passage, à Neuchâtel, «Les mots et la chose» est une correspondance truculente de drôlerie. Une jeune comédienne qui double des films pornos se plaint auprès d'un vieil érudit de la pauvreté des textes qu'on lui fait dire. Le vieil homme, pris par l'urgence de l'imminence de la fin, lui transmet tout son savoir. Jean-Pierre Marielle usant de sa voix rocailleuse et de sa présence rend drôle et nostalgique le vieil intellectuel poussiéreux. Agathe Natanson campe la jeune femme affamée de savoir, malicieuse et espiègle. Détail amusant, la célébre voix de Marielle est grave et caverneuse quand celle de sa femme est aiguë et épicée.
Daniel Bedos, le metteur en scène, a usé des détails. Un banc public pour la jeune femme, qu'on imagine lisant ces lettres croustillantes dans un parc, et un haut pupitre pour l'érudit écrasé sous le poids du savoir. Un violoncelliste parsème le texte de touches musicales. A l'entrée dans la salle, entre l'odeur des parfums poudrés des spectatrices, l'élégance du décor et la présence du musicien, l'atmosphère fait penser à un concert de musique de chambre entre gens civilisés. La surprise renforce le plaisir. Et «n'ayons pas peur des mots, eux n'ont pas peur de nous». /ACU