Un signe clair, selon lui, de cette banalisation du racisme qu'il observe, décortique et dénonce dans chacun de ses rapports. «J'ai la conviction qu'une des grandes questions actuelles est la recrudescence de la multiculturalité, souvent à la source d'une mentalité raciste. Je veux savoir comment la Suisse envisage cet enjeu».
S'informer avant de critiquer: tout au long de cette semaine, il a donc multiplié les rencontres aux quatre coins du pays, arpentant les cantons du Tessin et de Bâle avant de rallier Berne pour y rencontrer les conseillers fédéraux Pascal Couchepin et Christoph Blocher. Ceci après avoir récemment visité le Brésil et le Japon, et juste avant un voyage en Russie...
A Neuchâtel, il a apprécié les efforts réalisés en matière d'intégration, notamment grâce au Bureau du délégué aux étrangers, premier du genre en Suisse. Tout en se disant interloqué «par les disparités de fonctionnement entre les cantons: j'ai l'impression d'avoir traversé des galaxies différentes! Pourquoi ne pas mieux coordonner les actions au niveau national?» Un point sur lequel il compte bien s'attarder dans le rapport qu'il rédigera pour l'ONU.
Autre chapitre sur lequel il s'appesantira, les nouvelles lois sur les étrangers et sur l'asile acceptées récemment par le Parlement. «Tout ce que j'ai entendu jusqu'ici montre un durcissement sensible de la politique menée envers les étrangers. C'est une tendance lourde, reflet d'un facteur qui me préoccupe sur le plan mondial...» Et de s'inquiéter «de la prégnance des programmes xénophobes, issus des partis extrêmes qui se démocratisent, sur les partis politiques traditionnels: une ligne rouge, et grave, est en train d'être franchie!» Une illustration, selon lui, de cette «banalisation du racisme et de la xénophobie» à laquelle il est particulièrement attentif. «C'est cette atmosphère qui détermine la politique envers les étrangers».
Avec, toutefois, de quoi se réjouir: les référendums lancés récemment contre ces deux nouvelles lois. Ils témoignent «d'un sursaut de la citoyenneté: d'un côté, on durcit, de l'autre, un combat idéologique, politique et culturel s'engage, témoignant d'une certaine vitalité. Mais est-elle encore un garde-fou face à cette évolution de la société?», se demande-t-il, tout en promettant un rapport «honnête et rigoureux». Un document qui aura surtout valeur de symbole pour les autorités, qui se verront «recommander» quelques lignes de conduite.
Alors, la Suisse, un pays pas vraiment au-dessus de tout soupçon? A l'issue de son passage à Neuchâtel, Doudou Diène observe et ne se prononce pas encore. Mais avant de s'en aller, il jette encore un pavé dans la mare... «Comment expliquer le fait que les étrangers d'origine balkanique sont de mieux en mieux acceptés, alors que les Africains sont très discriminés? Il s'agit de réfléchir sérieusement à la catégorisation des étrangers!» / FLH