Il y en a qui ont vraiment le business dans la peau. L'édition
américaine Black Ocean annonce sur son site internet qu'elle va envoyer
gratuitement tous ses livres à paraître à tous ceux qui se feront un
tatouage permanent inspiré par l'une de ses productions. Un tatouage
qu'ils devront dévoiler à l'éditeur par une photo du mutilateur à
l'½uvre ou en leur montrant l'affaire de chair vive. Du coup, le lecteur
fera non seulement partie de la grande famille des tatoués à vie, mais
encore il portera les stigmates de cette entreprise de série noire.
C'est un océan d'encre dans la peau du monde que cette dernière
inoculera. C'est aussi une incarnation, paradoxalement une reproduction
copie charnelle d'un imaginaire en même temps que la consécration du
marketing intégral. Un trou noir de la pensée symbolique. Une arche
d'alliance sans objet autre que le profit pour s'intégrer non pas dans
la peau d'un personnage, mais d'une marque déposée. Ou alors est-ce le
mariage en noir du body art et d'un vague sentiment cosmétique
d'appartenance littéraire? Moi, mon tatouage porte le symbole de la
communication. Il porte la marque de la civilisation Maori. Il me
protège. Chez les autres, le tatouage m'effraie. Il m'attire. L'autre
jour, j'ai observé un petit amas d'étoiles tatouées émergeant des
splendeurs d'un ciel profond d'une superbe fille. Sidéré par ce
spectacle sidéral, j'ai procédé comme on fait pour avoir une meilleure
vision d'une constellation presque inatteignable à l'½il nu, j'ai
pratiqué le regard décalé.