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Produits phytosanitaires: à quel prix protéger les récoltes suisses?

L’impact sur la santé et l’environnement des produits phytosanitaires est une préoccupation qui ne cesse de croître. Entre substances biocompatibles et développement d’alternatives, comment l’utilisation de ces produits évolue-t-elle? Témoignages de Neuchâtelois.

11 nov. 2020, 05:30
Les besoins en produits phytosanitaires peuvent fortement varier d’une année à l’autre en fonction de la météo, de la pression en ravageurs et du type de cultures. Ici, un cétoine.

En octobre de cette année, face à la menace du puceron jaune, les producteurs de betteraves suisses ont demandé aux autorités la ré-homologation de l’imidaclopride, un néonicotinoïde commercialisé par Bayer sous le nom de Gaucho. Ce dernier fait partie des trois néonicotinoïdes dangereux pour les abeilles qui ont été interdits en 2018 par l’Union européenne et la Suisse.

Cette actualité, la dernière d’une longue liste, fait écho aux rapports compliqués que la société entretient avec les produits phytosanitaires, entre préservation des récoltes et effets néfastes sur la santé et l’environnement.

Mais qu’est-ce qu’un produit phytosanitaire au juste? Olivier Félix, responsable du secteur Protection durable des végétaux à l’Office fédéral de l’agriculture, détaille: «Sous cette appellation, nous regroupons les produits utilisés pour protéger les plantes contre les maladies, les insectes et les plantes adventices, autrement dit des mauvaises herbes. Certains produits sont aussi utilisés pour protéger les récoltes.» Les produits phytosanitaires peuvent ainsi être divisés en trois catégories selon leur action: fongicide, insecticide et herbicide.

Des produits phytosanitaires biocompatibles

En Suisse, la législation ne distingue pas les produits naturels au niveau moléculaire des produits synthétiques. «Qu’ils soient naturels ou de synthèses, ces produits sont considérés comme phytosanitaires car biologiquement actifs. Ils peuvent donc avoir un impact sur les autres éléments», précise Olivier Félix. Comment alors juger si un intrant, naturel ou de synthèse, peut être autorisé et dans quel cadre? «La Confédération analyse l’efficacité du produit et ses effets secondaires. Elle détermine ensuite si ces derniers sont gérables, et si oui dans quelles conditions.»

Certains produits phytosanitaires sont ainsi utilisables en agriculture biologique. Pour être biocompatibles, les molécules du produit doivent exister à l’état naturel, à l’inverse des produits de synthèse. Le soufre et l’huile de paraffine, des insecticides et fongicides naturels, sont même en tête des substances les plus vendues dans le pays. D’après les chiffres de l’OFAG, entre 2008 et 2018, les ventes de produits phytosanitaires réservés à l’agriculture conventionnelle ont baissé de près de 27%, tandis que ceux jugés biocompatibles ont augmenté de plus de 41%. Une tendance qui s’explique par l’augmentation du nombre d’exploitations labellisées bio, mais pas seulement. Car certains agriculteurs conventionnels n’hésitent pas à faire usage de ces substances biocompatibles. Sur la même période, le glyphosate, pesticide de synthèse, a d’ailleurs vu ses ventes baisser de plus de 55%.

Ces chiffres encourageants représentent toutefois les volumes de vente de ces produits, ce qui ne reflète pas leur utilisation par surface cultivée. Or, à l’image de la filière de la betterave mise sous pression en 2020 par la virulence du puceron jaune, les besoins en produits phytosanitaires peuvent fortement varier d’une année à l’autre en fonction de la météo, de la prolifération des ravageurs et du type de cultures.

Des alternatives oui, mais pas de solution miracle

«On observe une réelle tendance générale à la baisse dans l’utilisation de produits phytosanitaires. Malheureusement, ce qui ne diminue pas, ce sont les problèmes phytosanitaires. La solution miracle, nous ne l’avons pas encore trouvée», commente Olivier Félix.

Des alternatives existent, mais comportent leur lot d’inconvénients. Viticulteur à Bevaix, Yaël Brunner a planté dans l’une des parcelles du domaine un cépage sélectionné pour sa résistance naturelle au mildiou et à l’oïdium notamment. «Il s’agit du divico, l’un des premiers cépages résistants qui, selon nous, permet de faire un bon vin.» En décembre 2019, les premières bouteilles du fameux cépage ont été proposées à la dégustation. «Nous avons vendu nos 300 bouteilles en deux jours seulement. Mais il est difficile de dire si c’est un effet de mode ou de curiosité… A Neuchâtel, le produit phare reste le pinot noir.»

Sur les différentes parcelles du domaine, d’autres alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires peuvent être observées. «Nous n’utilisons plus du tout d’insecticide. Si vous regardez les vignes, vous pouvez voir des sortes de cabanes. Il s’agit en fait de diffuseurs, qui propagent des phéromones secrétées par certains insectes qu’on cherche à limiter. Cela provoque une confusion sexuelle qui les empêche de proliférer.»

Yaël Brunner a observé un changement d’attitude dans sa profession face aux intrants: «L’utilisation de produits phytosanitaires de synthèse à outrance est terminée pour la grande majorité des viticulteurs par ici. S’en passer complètement est cependant difficile car certaines années, la météo est capricieuse. Si nous ne voulons pas perdre toute la récolte, nous pouvons être amenés à en utiliser. Un peu comme un médicament, on s’en passe volontiers mais au besoin, il peut être nécessaire.»

Fini l’attitude préventive

Cette évolution face aux produits phytosanitaires, Gérard Veuve en est témoin. «Je me souviens que mon père allait traiter les arbres du village et revenait avec les mains jaunes. C’était au pesticide DNOC, interdit depuis des années maintenant.» Aujourd’hui, cet agriculteur de Chézard-Saint-Martin travaille avec son fils Karim, et limite au possible l’utilisation de produits. «La rotation des cultures permet déjà de diminuer les problèmes liés aux maladies et aux ravageurs. Nous utilisons aussi des variétés résistantes», explique ce dernier.

Les deux hommes n’utilisent ainsi pas d’insecticide en prévention sur leurs cultures. «Pour le colza par exemple, il y a deux ravageurs virulents, le charançon des tiges et le méligèthe. Le Service phytosanitaire cantonal fait des comptages dans chaque région afin d’informer les agriculteurs de la pression en ravageurs. D’après ces informations, chaque agriculteur compte dans ses cultures le nombre de spécimens présents, et c’est seulement lorsque le nombre d’individus dépasse le seuil d’intervention que nous sommes autorisés à traiter.»

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