Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Point de vue de Patrick Vincent: "Regard sentimental" sur la Coupe du monde 2018

"Corruption ou non, vous me direz que le football restera toujours ce beautiful game", écrit le professeur de l'Université de Neuchâtel Patrick Vincent. Il évoque l'attribution de la Coupe du monde à la Russie. Découvrez son point de vue: comme d’autres personnalités locales, nous l’invitons à s’exprimer régulièrement sur des sujets d’actualité.

08 juin 2018, 16:01
La Coupe du monde de football débute le 14 juin en Russie.

Dans "L’Agent secret", magnifique roman de Joseph Conrad publié en 1907, un diplomate russe résume ce qu’il estime être la principale faiblesse de l’Angleterre: "Ce pays est absurde avec son regard sentimental sur la liberté individuelle." Effectivement, entre l’affaire Skripval ou encore l’appel d’offres de la Coupe du Monde 2018, où l’Angleterre n’avait obtenu que 2 votes sur 22, on peut penser que les Russes ont mieux compris l’âme humaine que ces pauvres Britanniques trop scrupuleux.

Certains ne verront dans les accusations de corruption dirigées contre la Russie que la rancœur du perdant. Après tout, l’enquête Garcia en 2017 n’a trouvé aucune preuve d’influence indue, même si, selon le blog Football Politics, Vladimir Poutine avait rencontré 6 des 22 membres du Comité exécutif de la FIFA avant le vote de décembre 2010, que 11 de ces membres ont par la suite été inculpés de corruption, et que les ordinateurs utilisés par la campagne de candidature furent détruits avant que les enquêteurs ne puissent y avoir accès.

On peut aussi argumenter que la Russie n’avait jamais hébergé la Coupe, et que, même sans une tradition footballistique forte, c’était une bonne manière de valoriser un pays émergent. Effectivement, tout restait à développer en Russie, y compris 12 stades géants. Le coût de l’entreprise, selon le même blog, est stupéfiant, dépassant de 15% les dépenses de santé du pays. Le stade Krestovsky à Saint-Pétersbourg, qui a coûté 540% de plus que le budget, fût la proie de nombreux scandales, y compris l’utilisation de 110 travailleurs «esclaves» nord-coréens.

Corruption ou non, vous me direz que le football restera toujours ce beautiful game, qui, comme la poésie ou l’art, ne doit jamais être mêlé à la politique. Or la seule raison d’être de la Coupe 2018 était politique: elle s’inscrit désormais dans le grand jeu géopolitique du régime russe, dont les crimes, comme les mensonges de Donald Trump, sont devenus trop nombreux pour qu’on puisse tous les recenser: invasion d’un pays voisin, abattage d’un avion de ligne civil, assassinat de journalistes et empoisonnement d’opposants, suppression de voies dissidentes, harcèlement de sa population gay et trans, soutien d’un dictateur sanguinaire, obstruction d’une enquête sur l’utilisation par celui-ci d’armes chimiques, tricherie collective aux Jeux d’hiver, propagande antilibérale et tentative d’influencer les élections dans les démocraties occidentales, ou encore corruption étatique massive… 

Nous sommes donc tous cordialement invité le jeudi 14 juin pour regarder le premier match de la coupe entre la Russie … Arabie Saoudite. Naslajdaisya igroy!

Votre publicité ici avec IMPACT_medias