Il y a comme un culte de l’instant. Je crois nécessaire de résister à cette immédiateté. Le temps court n’est rien sans le temps long, comme l’a montré Fernand Braudel dans son ouvrage classique sur la Méditerranée.
Quand j’ai commencé mon enseignement universitaire à Lausanne en 1988, j’ai dû apprendre à utiliser un ordinateur et les réseaux sociaux n’existaient pas. On a passé lentement du courriel à Facebook et à Twitter. Mais on observe de nos jours un retour de manivelle: il va falloir doubler le nombre de signes sur Twitter – pour surmonter les raccourcis vertigineux à la Donald Trump?
Notre question actuelle est tout autant religieuse que sociale et politique: comment transcender la sauvagerie et le désordre inhérents au réseautage de toute sorte? Comment faire comprendre que le vrai libéralisme pense la liberté comme une liberté sociable et responsable? Comment cesser de caricaturer les pensées politiques libérales (Macron, par exemple) comme des néolibéralismes autoritaires et technocratiques, quand il s’agit en fait de déployer la pluralité démocratique des libertés individuelles et personnelles?
La gauche et le progressisme ne sont pas sans la promotion de ces libertés, et une droite vraiment libérale ne saurait faire l’économie des valeurs de la justice et de la solidarité. Nous sommes devenus aveugles au long terme, à la durée créatrice. Nous avons besoin de mémoire et de culture, de pluralité et de patience, d’espérance têtue et de fraternité contradictoire (au contraire de la fraternité lisse et bien-pensante).