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Mühleberg, un démantèlement sous haute surveillance

Stefan Klute est le responsable de la désaffectation de la centrale nucléaire bernoise de Mühleberg, qui sera définitivement mise à l’arrêt ce vendredi 20 décembre. Il explique comment vont se dérouler les travaux de démantèlement et de décontamination des différents composants.

16 déc. 2019, 19:00
La centrale nucléaire de Mühleberg, située à 25 km à vol d’oiseau de Neuchâtel, sera démantelée dès le vendredi 20 décembre: une première en Suisse.

La centrale nucléaire de Mühleberg (CNM) sera mise à l’arrêt ce vendredi à 12h30. Responsable de ce démantèlement inédit en Suisse, Stefan Klute (photo Bist-Stéphane Gerber) explique comment vont se dérouler les travaux. Une éventuelle réaffectation du site n’est pas prévue avant 2034.

Stefan Klute, que va-t-il se passer après le 20 décembre?

Les travaux vont démarrer le 6 janvier. Nous allons d’abord déconnecter la salle des machines du bâtiment du réacteur. Nous démonterons ensuite les équipements nécessaires pour produire l’électricité. A commencer par les 165 blocs de béton installés autour des turbines et des générateurs. Leur poids total est de 1200 tonnes, chaque élément pesant entre 4 et 11 tonnes. Nous attaquerons ensuite le démontage des turbines et des générateurs.

Ces derniers ont-ils pu être contaminés par les radiations?

Non, pas les générateurs. En revanche, les turbines, dont le poids total avoisine 550 tonnes le sont, car c’est la vapeur générée dans le réacteur qui les fait tourner. Le degré de contamination est toutefois relativement faible. Nous devons les démonter, puis les conditionner dans des emballages étanches afin de les transporter dans une entreprise suédoise spécialisée. Les déchets radioactifs seront ensuite ramenés en Suisse.

BKW effectuera une grande partie des travaux de la désaffectation et du démantèlement par ses propres moyens. Dispose-t-elle des compétences nécessaires?

Les quatre ou cinq premières années, une bonne partie de nos collaborateurs continueront d’assumer le travail qui était le leur. Les assemblages combustibles vont en effet rester quelques années encore dans la piscine de désactivation, au cœur de la centrale, et nous devons continuer d’assurer la surveillance et les tâches de sécurité liées à la présence de ces matériaux hautement radioactifs. Ils seront ensuite conditionnés dans huit conteneurs, puis transportés au Zwilag (Centre de stockage intermédiaire pour les déchets radioactifs) à Würenlingen (AG). En parallèle, nous avons déjà formé un certain nombre de collaborateurs pour qu’ils puissent s’atteler au démontage des équipements qui ne sont plus nécessaires. Il est très important que nous puissions compter sur eux.

Pourquoi?

Parce qu’ils connaissent parfaitement la centrale, tous ses équipements, et qu’ils ont une vaste expérience: lors des travaux de révision annuels, ils ont en effet l’habitude de démonter différentes pièces, de les contrôler, de les remplacer, de les remonter. Cette fois, ils devront les nettoyer, les traiter pour en éliminer toute trace de radioactivité et les préparer pour la casse. Mais pour effectuer tous ces travaux, nous devrons aussi engager des renforts, car nous n’avons pas assez de personnel.

Avez-vous déjà des contrats avec ces spécialistes?

Pour les plus gros travaux à sous-traiter, les mandats ont été attribués il y a près d’une année et demie. Ils seront entrepris à partir d’octobre 2020. Il s’agit en particulier de l’évacuation des générateurs (qui pèsent 210 tonnes chacun) et du démontage des supports sur lesquels étaient fixés les assemblages combustibles à l’intérieur du réacteur, ainsi que du manteau du cœur du réacteur. Ces éléments, dont le poids avoisine 80 tonnes, seront tronçonnés, conditionnés dans des tonneaux et convoyés au Zwilag.

Les opérations de démantèlement comportent des risques de radiation pour le personnel, la population voisine et l’environnement. Comment les maîtriser?

Pour éviter toute dispersion de radioactivité, la centrale est maintenue dans un état de propreté irréprochable. Ce sera également le cas lors du démantèlement. Les mesures de protection dépendent du degré de contamination des matériaux. Partout où il y a un risque de dispersion de radioactivité, nous installerons des sortes de tentes équipées d’un système de filtration de l’air et dans lesquelles les composants seront nettoyés et décontaminés. Les collaborateurs seront équipés de combinaisons et de masques de protection. Toutes les opérations étant bien définies, les risques de fuites radioactives hors de la centrale sont quasi nuls.

BKW évalue à 200 000 tonnes le volume de déchets générés par la CNM. Quelle partie en est radioactive et que va-t-il en advenir?

Tout ce qui ne pourra pas être décontaminé sera considéré comme des déchets moyennement ou faiblement radioactifs. Constitués principalement d’acier et de béton, ils seront conditionnés dans des emballages étanches, puis entreposés provisoirement au Zwilag, avant d’être enfouis dans le dépôt final. Nous évaluons ce volume à environ 3000 tonnes. La quantité de déchets hautement radioactifs est de moins de 100 tonnes: ce sont les éléments combustibles usagés.

Et que ferez-vous des autres matériaux faiblement radioactifs?

Comme tous les déchets combustibles, ils seront aussi envoyés au Zwilag pour y être brûlés dans un four à plasma, qui peut atteindre des températures de plusieurs milliers de degrés. Cette opération n’élimine pas la radioactivité, mais elle permet de réduire fortement le volume des déchets considérés comme radioactifs, qui seront ensuite aussi enfouis dans le dépôt final. Nous envoyons environ une centaine de fûts de déchets par année au Zwilag, afin de les incinérer dans ce four à plasma. Ces prochaines années, nous estimons que les quantités devraient tripler.

Certains matériaux très peu contaminés peuvent faire l’objet d’un stockage de désactivation d’une trentaine d’années, le temps que leur radioactivité descende au-dessous des limites de libération. Quels types de matériaux sont concernés?

Il s’agit de composants qui ont été nettoyés, mais dont le niveau de contamination est resté supérieur à ce qu’on appelle la limite de libération, c’est-à-dire le niveau à partir duquel le matériau est considéré comme propre. Il peut s’agir, par exemple, de pièces de béton qui se trouvaient à quelques mètres du réacteur.

Où sera implanté ce site pour la désactivation?

Le site n’est pas encore choisi. Il s’agira probablement d’une halle pour des déchets de béton et d’acier. Nous estimons qu’environ 2000 tonnes de matériaux pourront ainsi faire l’objet d’un stockage de désactivation. Nous n’aurons pas besoin d’une gigantesque halle, car le volume de ces déchets (une centaine de petits conteneurs) est assez restreint.

Philippe Oudot, «Journal du Jura»

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