«J'ai mal au c?ur, je suis dégoûté». Révérien Rurangwa, tend la lettre de son avocate Valérie Schweingruber Dupraz. Elle lui annonce le rejet par le Tribunal administratif fédéral de son recours contre la décision, déjà fédérale, qui lui refusait le droit d'asile en Suisse. Légalement, le miraculé du génocide rwandais est même expulsable, mais il ne sera pas refoulé, dit le Tribunal fédéral dans le même jugement. Comprenne qui pourra.
«Il a perdu son recours, mais il devrait obtenir un permis humanitaire», réagit le parlementaire et conseiller communal chaux-de-fonnier Didier Berberat, qui a reçu hier Révérien. D'après le politicien - «le seul qui m'ait soutenu», glisse le Rwandais - il ne manque plus qu'une attestation de l'école suivie par Révérien pour que le canton de Neuchâtel fasse cette demande de permis humanitaire, déjà approuvée par le chef du département Bernard Soguel et flanquée d'une lettre de Didier Berberat adressé à Edouard Gnesa, chef de l'Office fédéral des migrations, qui l'aurait aussi déjà assuré de son soutien.
Pour Révérien, ce n'est pas ça. «Je voulais me faire reconnaître comme réfugié par la voie normale. La Suisse est le pays qui m'a relevé des morts en me soignant. Si ce même pays ne reconnaît pas mon statut, qui le fera?» Révérien a encore ce mot de c?ur déchirant d'actualité: «Le mouton noir, c'est moi maintenant, avec un seul bras et un seul ?il.»
Révérien se retrouve comme avant, à attendre. Malgré le soutien de 2000 lettres adressées au Service cantonal des migrations. Il n'a toujours pas le droit de travailler, de se loger, de posséder quoi que ce soit et pas même toucher les royalties de son livre «Génocidé», vendu à 70.000 exemplaires rien qu'en France. Traduit en japonais et en suédois, il pourrait l'être en plusieurs autres langues, sauf qu'il faudrait que Révérien puisse sortir du pays pour assurer la promotion de son témoignage. Le récit de l'horreur vécue par Révérien vient aussi de sortir en poche, dans la collection à grand tirage «J'ai lu». Il le signera samedi prochain chez Payot. Des mots de sang qui n'ébranlent pas l'administration kafkaïenne suisse. / ron