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«Madame, je vous le jure»

Le Correctionnel a condamné un voleur de cartes de crédit, qu'il a largement utilisées Abdul* a le bagou d'un vendeur de tapis. Il en avait bien besoin, jeudi, pour se défendre devant le Tribunal correctionnel de La Chaux-de-Fonds. Avec un comparse absent, il était principalement accusé d'avoir volé une vingtaine de cartes de crédit, utilisées ensuite pour acheter pour des dizaines de milliers de francs de marchandises. Avec le liquide, le dommage atteint plus de 77.000 francs. Le tout en deux fois trois semaines, en automne 2005 puis en hiver 2006.

01 oct. 2006, 12:00

Les cartes de crédit ont notamment été piquées avec leur portefeuille dans une veste passée sur le dossier d'une chaise de restaurant, dans un sac à main laissé sur un caddie de supermarché et sur un siège de cinéma. Rayon d'action? Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds, Le Locle puis le canton de Vaud.

Rapidement, les comptes étaient débités, en produits de luxe surtout. Il y a eu, pour prendre les plus gros coups, 6600 fr. de vêtements griffés en un jour et 3000 fr. de bijoux, ou encore trois montres de 3150, 3500 et 4000 francs. Les cartes volées ont aussi permis quelques bamboulas au cabaret, avec, une fois, une jolie note très sucrée d'environ 6000 francs. Pour le courant, on note un retrait au bancomat de 5000 francs.

Abdul a tenté de nier, avec acharnement même, le vol des portefeuilles et sacs, donc des cartes de crédit. Les voleurs, c'étaient Mohammed*, Mustafa*, Nouredine*, etc., des ombres dont la police n'a pas retrouvé les traces. Abdul n'était donc qu'un commissionnaire. «Madame la présidente, je vous le jure, je ne savais pas où dormir ni manger. Ils me donnaient une commission et de la drogue.» Lors des achats où Abdul a été identifié, c'étaient les commanditaires qui disaient quoi prendre par téléphone, planqués de l'autre côté de la vitrine. C'est ce que prétend Abdul.

«Vous vous reconnaissez? Dommage, c'est celui que vous voyez le matin en vous rasant»

En audience, les dénégations d'Abdul, qui a été reconnu par quelques victimes de vol de cartes, ont parfois pris un tour cocasse. Comme lorsque le substitut du procureur Nicolas Aubert lui a planté devant le nez son portrait tiré de la vidéo de surveillance lorsqu'il débitait le bancomat. «Vous vous reconnaissez?», demandait le magistrat. «Non... Je ne me souviens pas», a marmonné le marchand de tapis. «Dommage, c'est celui que vous voyez le matin en vous rasant»...

L'ambiance, devenue presque familiale - Abdul hésitait entre le tutoiement et le vouvoiement -, n'a pas empêché le substitut du procureur de tenir un réquisitoire assez dur. «Après le vote de la loi sur les étrangers, la population réclame plus de sévérité pour les abus.» Abdul est entré sans permis en Suisse en 2001. Il traîne neuf condamnations, largement du même type, et est sous le coup d'une expulsion. Libéré de préventive grâce à son baratin après sa première série de vols de l'automne, il s'est aussitôt remis à l'ouvrage. Bref, il ment comme un arracheur de dents. «Même s'il était pris la main dans le sac, il serait prêt à la renier.» En plus, le personnage s'est montré agressif en prison, où il a mis le feu à sa cellule. Après les deux morts de Genève...

L'avocat d'Abdul a eu beau plaider le «raccourci de culpabilité» dont on a abusé contre son client. Et tenter de mettre en lumière des transactions douteuses de l'un ou l'autre des marchands ou tenanciers supposés presque complices. Mais il n'a pas convaincu. Le tribunal, présidé par Valentine Schaffter, a jugé qu'Abdul tentait, pas très finement, de passer pour une victime. Pour la cour, Mohammed, le commanditaire qui roule BMW ou Mercedes, n'existe pas.

Deux ans de prison

Coupable de presque tous les vols, escroqueries et faux dans les titres (les fausses signatures de cartes de crédit), il a été condamné à deux ans de prison (moins 215 jours de préventive) et à dix ans d'expulsion du territoire suisse. Le comparse - aussi libéré sur parole après l'enquête, il ne s'est pas présenté à l'audience - a écopé de dix mois ferme. / RON

* Prénoms fictifs

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