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De la valeur du plaisir

Mais pourquoi courent-ils donc? Ils sont plus de mille encore, que 24 éditions n'ont pas lassés. Deux hommes seulement ont couru toutes les étapes, mais beaucoup n'en ont manqué que quelques-unes. Pourtant, la manifestation n'ayant cessé de grandir, de devenir ce grand bastringue qui attire tellement de monde, les étapes se ressemblent, les boucles se répètent, les communes sont choisies à leur grande salle plus qu'à leur paysage. Alors pourquoi cet engouement?

06 mai 2009, 11:06

Peut-être pour le plaisir. Juste le plaisir. Ce moteur magique de l'être humain, parfois méconnu, dédaigné, critiqué. Blasphémé même, dans un monde où la montée des extrémismes passe par tellement d'interdictions, de frustrations, de peurs. Le Tour du canton, c'est l'apologie du plaisir. De la jouissance à l'état pur. Avec un zeste de folie: c'est un plaisir que l'on pratique en groupe.

Je les ai vues, ces dames qui, rentrées de leur journée de travail, enfilent leur jogging et partent avec une copine. Le long de la route cantonale, en marchant, elles papotent, mais lorsqu'elles arrivent sur Planeyse, elles cessent leur bavardage pour se concentrer sur leur foulée, leur respiration. D'un pas régulier, elles affrontent les kilomètres, repoussant leurs limites. Les femmes n'ont pas l'esprit aussi compétitif que les hommes, histoire d'hormones paraît-il. Mais elles aiment partager, échanger, converser. Alors s'entraîner, quel beau prétexte pour se retrouver entre filles.

Ils discutent moins les hommes, mais ils courent tout autant. Plus peut-être. Seuls souvent. Ou entre copains. Pourquoi pas en papa, avec les enfants. Le sport, c'est une philosophie de vie. Autant l'inculquer tôt, dans ce monde de compétitivité. Allez, encore un effort! Il est d'autant plus léger quand papa tourne la tête en souriant, fier de son garçon, de sa fille.

Le plaisir des uns, le plaisir des autres. Le plaisir d'avoir dompté son corps, d'avoir progressé dans le classement ou celui d'avoir réussi à boucler le parcours avec un ou une partenaire qui n'avait jamais couru et qui s'est laissé(e) prendre au jeu. Pour le plaisir de l'autre... Si ça n'est pas érotique, tant de plaisir...

Ne criez pas au scandale! Tous les plaisirs devraient se cultiver. Apprécions au moins ceux qu'aucune morale ne saurait réprouver. La course est de ces rares instants où l'homme touche au sacré, sans qu'aucun censeur ne songe à lui couper les ailes. Quel coureur n'a pas connu l'instant merveilleux où les endorphines envahissent son cerveau? Il croyait qu'il allait abandonner ou mourir, épuisé, et tout à coup il court sans plus sentir ses pieds, ses jambes. L'euphorie. Un moment d'extase.

Le parallèle vous dérange? J'aurais l'esprit mal tourné? J'ose appeler désir l'émoi qui vous envahit, à regarder tous ces corps autour de vous, dans leurs tenues seyantes. Je pose des mots sur des sensations que vous ressentez en silence. Je dégage l'émotion cachée sous le sport. Courez, courez encore, ne cessez jamais de courir afin de sentir votre corps vibrer et votre âme s'élever. Peut importe le vocabulaire, vous avez l'ivresse.

Il fut des époques, il est des Etats, où le sport mène au combat. Réjouissons-nous de pouvoir courir sans uniformes et sans diktats. Apprécions que le Tour du canton réunisse autant de participants, sans raison officielle. Le droit au plaisir - l'érotisme n'est qu'une de ses facettes - n'existe pas dans tous les pays. Sachons le reconnaître et le défendre. Il appartient à un privilège qui se nomme LIBERTÉ. /CCA

Cléa Carmin a publié deux romans érotiques («Brûlure» et «Jouir d'aimer») aux éditions Blanche et chez Pocket, ainsi que de nombreuses nouvelles dans des collectifs. Son prochain roman - non érotique - est annoncé pour 2010. www.cleacarmin.com

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