Issu d'une famille juive du Piémont, Primo Levi a été arrêté par la milice fasciste italienne en 1943. Il avait 24 ans. Interné d'abord dans un camp de transit, il a été déporté à Auschwitz, lieu jusque-là dénué de toute signification pour lui. Plus de nom, seul un numéro pour toute identité: 174517. Soixante blocs dirigés par des prisonniers de droit commun «Arbeit macht frei». Ici et là un visage ami, juif polonais ou grec que l'on ne reverra jamais.
Maîtriser une spécialisation professionnelle peut prolonger les chances de survie. L'examen imposé au juif, docteur en chimie de l'Université de Turin, en dit long. Sûr de se trouver face à un individu à éliminer, l'interrogateur veut encore profiter de ses connaissances. L'évolution du conflit 1939-45, apparaît en contrepoint dans le récit. De la fréquence, de plus en plus rapprochée, des bombardements, naît l'espoir de sortir vivant de l'enfer.
Debout dans la pénombre de la scène, cerné par les lumières comme autant de miradors, possédé par la dimension de l'écrit, Philippe Lüscher relate. Aucune trace de pensée sur son visage, aucune sensiblerie dans l'écriture de Primo Levi. L'expression de sentiments serait toujours en-deça de l'indicible horreur de ce qui advint.
S'interdire l'émotion c'est pour Philippe Lüscher rappeler à chacun, à travers l'analyse clinique de Primo Levi, la dimension inouïe d'une tranche d'histoire qui toujours échappera à la compréhension. C'est aider à ce que la banalisation ne puisse s'emparer de tels événements. / DDC