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Une louable dévotion à Duras rigidifie la proposition

15 avr. 2008, 12:00

Seul le parquet flottait, samedi soir, au Temple allemand de La Chaux-de-Fonds. Tant le metteur en scène d'origine lausannoise Yann Becker prend «Savannah Bay» de Marguerite Duras au sérieux, respectant chaque «temps», chaque mouvement, chaque inflexion de la langue. Dans le programme du spectacle, il dit sa dévotion: «Un bijou de pièce de théâtre, une épure de force et de justesse». L'homme de théâtre français Eric Vigner, dont la force plastique sur «La pluie d'été» et «Hiroshima mon amour» nous avait stupéfiés, évoque ainsi «Savannah Bay» qu'il a aussi monté: «C'est de l'ordre de l'énergie pure, de la sensation, de la lumière, de l'eau, des éléments et je dirais profondément féminin.»

Cette corporalité, cette densité que peut apporter le créateur parvenu à se détacher de certains diktats durassiens, Yann Becker ne s'y attache pas trop. Il préfère une scénographie et des lumières efficaces, mais réduites au strict minimum. Il se concentre sur le texte et les relations soigneusement déshumanisées entre les deux personnages.

La partition coule avec fluidité, aucun accroc dans la diction et la tenue du corps de Dominique Bourquin et Joëlle Fontannaz. La comédienne chaux-de-fonnière trouve le ton juste, avec de petits décalages sur le visage, légers rictus, sourires qui affleurent doucement. Pour camper cette actrice lyrique et à bout de souffle, elle semble puiser dans sa riche carrière personnelle. Sérieux et ironie, classe naturelle et accidents de parcours rythment avec ardeur son interprétation.

Joëlle Fontannaz donne beaucoup pour finalement rester rigide, presque imperméable à cette déferlante de mots qui dégoulinent d'elle. Stoïque, imperturbable, presque mécanique. Son interprétation nous dérange par son manque de nuances, sa dureté. Le texte semble tant respecté comme un reliquaire que peu d'émotions parviennent à le pénétrer. Duras elle-même jonglait entre ambiguïté contemplative, romantisme désuet et regard sans complaisance. Becker s'y enferme, malgré la qualité de certains silences.

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