Sur l'écran, derrière le corps malmené des danseurs, défilent les images d'une nature maltraitée par l'homme. Déforestation massive, banquise fondant comme neige au soleil, torrents d'eau boueuse... Samedi soir à La Chaux-de-Fonds, le festival de danse contemporaine Antilope 07 s'est achevé avec les images chocs de «Natures mortes», une création de la Cie neuchâteloise Objets-Fax, saluée au Temple allemand par un public enthousiaste.
«Notre rôle, en tant qu'artiste, c'est de poser des questions, sans vouloir apporter les réponses», disait à l'issue du spectacle Ricardo Rozo, auteur de cette chorégraphie qui nous interroge sur la perte du sens du sacré, dilué dans le développement de nos civilisations utilitaristes et consuméristes. Les compagnies invitées durant ces deux semaines se sont fait l'écho des mêmes préoccupations, et d'autres encore. «Le festival a formé un tout cohérent, je dirais qu'à cet égard il s'agit de notre plus belle programmation», se réjouissait, à chaud, Jean-Claude Pellaton, cheville ouvrière de la manifestation. Un sentiment renforcé par «la grande qualité humaine» qui, cette année, a régné sur le festival. «Les artistes sont allés voir le travail des autres, à mes yeux c'est très important aussi.» Preuve qu'Antilope n'est pas un nom usurpé: «L'antilope, c'est l'animal du mouvement par excellence; tel le danseur, il est fragile, mais il devient plus fort en se regroupant.»
Le public lui aussi s'est rassemblé au Temple allemand et dans la salle de l'ADN à Neuchâtel, sans doute moins pour vaincre sa peur que pour étancher sa soif de découverte. Il n'a pas hésité, ce public, à répondre à l'invitation de la chorégraphe Suzanne Mueller à déambuler sur le plateau, parmi les structures mouvantes de «Temps cellules». «Suzanne nous a dit qu'elle n'avait jamais vu une telle participation», rapporte Jean-Claude Pellaton. D'autres compliments ont fusé: «Philipp Egli, directeur de la Tanzkompanie du Théâtre de Saint-Gall, a été ravi de l'accueil attentif et chaleureux que le public lui a réservé.»
Autres vecteurs de la réflexion, les conférences agendées à l'ABC et au Club 44 ont été fréquentées par des esprits curieux: «Il se passe quelque chose dans ces conférences, qui pour nous sont aussi une tentative d'ancrer un peu plus profondément notre travail dans la cité», commente Ricardo Rozo. Sur scène, la réflexion a bien sûr rimé avec l'émotion, quand, par exemple, les voix de Noémie Stauffer et de Céline Vicario ont fait vibrer les «Natures mortes», quand une danseuse victime de la poliomyélite a confronté à son handicap les corps «normaux» qui lui faisaient face.