Toujours un peu militant et bien déterminé à faire passer son message, Pierre-Alain Monot, le directeur du NEC, insiste: «Nous avons aussi nos icônes». Quatre d'entre elles seront réunies sous le titre de «Carré d'as», et bénéficieront de la présence de la mezzo-soprano suisse Jeannine Hirzel.
«Le marteau sans maître» de Pierre Boulez est considéré aujourd'hui comme une oeuvre maîtresse du XXe siècle. «Pour nous, c'est déjà presque de la musique ancienne: la pièce a été écrite il y a 50 ans», plaisante Pierre-Alain Monot. Après l'avoir jouée aux Jardins musicaux en août dernier, le chef a jugé indispensable de redonner l'oeuvre dans la saison du NEC. «Elle n'a plus été présentée dans la région depuis au moins 25 ans».
Construit à partir de trois poèmes du surréaliste René Char, «Le marteau sans maître» s'inspire des sonorités des musiques extra-européennes auxquelles Boulez a toujours été sensible. «Il y a un côté ethnomusicologique, explique Pierre-Alain Monot. Un passage s'apparente à la musique traditionnelle balinaise, avec le marimba qui joue comme le bender». Nathalie Dubois, flûte traversière, s'enflamme: «Et moi, je fais le shakuhachi, c'est la flûte traditionnelle des moines zen du Japon!»
Au programme aussi, «Ensemble-Buch III» de Rudolf Kelterborn, le compositeur suisse le plus joué au monde. Le NEC a d'ailleurs pu bénéficier de la présence du musicien à l'une de ses répétitions, un moment riche d'enseignements, mais aussi une confrontation. «La musique contemporaine est toujours à interpréter, alors un contact direct avec le compositeur est précieux», raconte Pierre-Alain Monot, qui rapporte que le compositeur a été surpris de la qualité de l'ensemble: «C'est toujours la même chose, ceux qui viennent des grands centres n'imaginent pas qu'on peut aussi trouver des ensembles professionnels de grande qualité dans les régions périphériques».
La collaboration entre le NEC et Rudolf Kelterborn ne fait que commencer, puisque le compositeur est en train d'écrire une oeuvre importante pour l'ensemble. Dans l'immédiat, la pièce qui sera jouée demain est une fantaisie en plusieurs tableaux, «le descriptif musical d'émotions naturelles portées comme sur un écran. C'est une musique qui demande un effort d'imagination de la part de l'auditeur».
Troisième carte de ce carré d'as, le compositeur américain Elliott Carter et son «Triple Duo»: une musique à la fois très construite et très fantaisiste d'après Pierre-Alain Monot, qui précise que l'oeuvre est «redoutable à jouer, mais pas à entendre. Carter aimerait que sa musique soit écoutée avec la même légèreté que celle avec laquelle on aborde une oeuvre de Mozart. Nous allons la jouer dans cette même intention».
Enfin, la «Sequenza III» de Luciano Berio est une étude sur... le rire! Ecrite d'ailleurs en hommage au clown Grock. Destinée à une seule voix de soprano, cette pièce est une transcription du rire en musique, de tout ce qui peut être contenu dans le rire. «Elle demande énormément de la soliste, qui vit une confrontation immédiate avec le public, sans le soutien des instruments».
Un programme que le chef a imaginé «en arc-de-cercle, une architecture dans laquelle chaque oeuvre vit en symbiose avec toutes les autres». Pierre-Alain Monot se réjouit de présenter ces oeuvres exceptionnelles et d'une grande difficulté d'exécution, à un public qui vient aux concerts «les oreilles libres». «C'est une chance pour les gens d'ici de pouvoir entendre en live ces oeuvres-là», renchérit Nathalie Dubois. / SAB
La Chaux-de-Fonds, Temple allemand, mardi 31 octobre, à 20h30