Heureux père: sa fille Sofia vient de gagner le lion d'or à Venise pour «Somewhere». Heureux propriétaire d'un immense domaine viticole californien: Francis Ford Coppola peut financer seul s'il le veut les films de son cur. Certes, les «Parrain» sont le ciment de sa réputation mondiale, avec «Apocalypse now» qui faillit le ruiner. Dépassée la septantaine, Coppola retrouve la fraîcheur étrange du temps de «Conversation secrète» (1974). Il peut alors tourner «L'homme sans âge» en Roumanie puis emmener avec lui le jeune et lumineux opérateur roumain, Mihai Malaimare Jr à Buenos Aires pour y tourner «Tetro», une chronique familiale. Celle de la famille Coppola? Tout est vrai et tout est faux, dit-il!
Bennie, un marin reste à Buenos Aires pour y rencontrer son frère Angie, avec lequel il est brouillé. Angie, dit Tetro, abréviation de Tetrocini, affublé d'une étrange compagne, Miranda, sort souvent de ses gonds passant de tendresse et de fragilité en colères destructrices comme dans les grands excès d'opéra. Rien d'étonnant à cette présence de l'opéra dont la musique porte si bien l'esprit du mélodrame. L'absence de leur père, grand chef d'orchestre à New York, reste la source du conflit alors qu'il se meurt.
Le père de Francis Ford Coppola, Carmine, était un grand chef d'orchestre. Son fils Roman est aussi cinéaste, comme Sofia qui est célèbre. Angie dit Tetro tient de Nicolas Cage, le neveu du cinéaste. Autobiographique, «Tétro»? Non, cheminement le long de parallèles sans jonction en point de fuite.
Coppola aurait pu prétendre à Cannes, recevoir l'hommage rendu au premier film d'un jeune réalisateur. Il l'aurait mérité, lui qui se raconte, masque à peine les siens, joue sur les grands élans de l'opéra support de mélodrame, à rebours du bon sens. Le film est tourné en numérique mais noir et blanc. Seules quelques scènes en couleurs viennent raconter une bribe de passé de l'un ou l'autre. La couleur, c'est le réalisme photographique, qui ici soutient le souvenir. Le noir/blanc, c'est à l'écran le retour en force de la poésie, avec son traitement de la lumière qui ébranle les sens, trouble le regard, magnifie le non-dit. Septante ans, c'est l'âge de la liberté créatrice retrouvée qui emporte un film sublime.
Réalisateur: Francis Ford Coppola
Genre: drame
Durée: 1h27
Age: 14 ans
Avec: Vincent Gallo
Cinémas: ABC, La Chaux-de-Fonds