Quelque 650 patients sont traités chaque année par le service de radio-oncologie de l’Hôpital neuchâtelois (HNE). Avec la chirurgie et la chimiothérapie, la radiothérapie constitue l’un des principaux traitements du cancer.
En une quinzaine d’années, elle a progressé de manière significative. Interview de la doctoresse Pelagia Tsoutsou, médecin cheffe du service de radio-oncologie de l’HNE.
Comment la radio-oncologie a-t-elle évolué?
Auparavant, nous ne pouvions pas faire une irradiation ciblée, car il n’existait pas de techniques d’imagerie ou d’irradiation précise. Mais depuis environ quinze ans, les progrès sont spectaculaires, nous pouvons intervenir de manière très pointue.
J’ai appris le métier au bon moment! La radio-oncologie est une discipline hautement spécialisée qui s’intègre aux stratégies thérapeutiques multidisciplinaires. Elle peut également avoir un rôle palliatif, pour soulager une douleur due à des métastases vertébrales notamment. L’accompagnement du patient et le suivi oncologique dans le service sont assurés par une équipe spécialisée composée de médecins, physiciens, dosimétristes, techniciens et secrétaires. Nous pouvons aussi apporter un soutien diététique et psycho-oncologique.
Quand la radiothérapie est-elle pratiquée?
La radio-oncologie peut jouer différents rôles dans la prise en charge du cancer. Nous pouvons administrer des rayons avant une chirurgie, pour un cancer rectal par exemple, dans le but de préserver l’organe, ou associée avec la chimiothérapie en traitement unique, comme dans le cas du canal anal.
Dans les deux cas, cela évitera au patient de devoir porter une poche. Une radiothérapie peut être préconisée lorsqu’il n’est pas possible d’opérer, soit en raison de la localisation et de l’extension de la tumeur, soit parce que l’état de santé du patient ne le permet pas, par exemple dans le cas d’un cancer pulmonaire. Il arrive aussi qu’un traitement soit prescrit après une chirurgie, si le risque de récidive est élevé. D’ailleurs, historiquement, c’est la radiothérapie qui nous a permis de préserver le sein en effectuant des tumorectomies, à condition qu’on irradie après.
Enfin, la radiothérapie peut être une alternative à la chirurgie, pour les cancers de la prostate ou du larynx notamment. Elle peut être délivrée seule ou associée à un traitement systémique, comme une chimiothérapie.
Depuis deux ans, vous pratiquez la stéréotaxie pulmonaire. En quoi est-elle révolutionnaire?
Elle permet d’intervenir sur des tumeurs inopérables, de petite taille, mais les indications peuvent être élargies au cas par cas. Le traitement se caractérise par un petit nombre de séances – entre 5 et 8 en moyenne, mais on peut n’en délivrer qu’une seule au besoin – avec des doses d’irradiation fortes et ultra-précises, de l’ordre du millimètre.
Le positionnement doit être rigoureusement le même à chaque séance. L’appareil commence donc par réaliser une image qui est comparée au scanner précédent. Nous suivons le mouvement de la respiration du patient lors de ce scanner. Une fois le positionnement reproduit, les rayons – planifiés de manière optimale et personnalisés – sont délivrés. La précision de l’irradiation permet de limiter l’impact du traitement sur les tissus environnants. C’est une technologie souple, qui peut être modifiée si la morphologie du patient ou de la tumeur change. Une séance dure entre 15 et 30 minutes, dont 3 à 5 minutes pour l’administration des rayons. Une intervention combinée est parfois préconisée, avec une zone traitée par chirurgie, une autre par stéréotaxie.
Cette technique produit généralement de bons résultats: les taux de guérison sont importants et la tolérance au traitement très bonne. Elle est de plus en plus utilisée pour les maladies oligo-métastatiques: si on arrive à éliminer une lésion visible, il y a de fortes chances que le patient vive plus longtemps en bonne santé. Mais il n’existe pas de traitement miracle... Pour contrer la maladie, les spécialistes doivent réunir leurs compétences afin de définir le meilleur choix thérapeutique.
Ce qui suppose des solutions personnalisées…
La radiothérapie s’est individualisée et optimisée. Elle est devenue très précise – nous travaillons en 3D, voire 4D – et nous l’adaptons à la morphologie du patient! La prise en charge pluridisciplinaire nous permet d’intervenir de manière idéale: nous travaillons avec des médecins spécialistes en pathologie, qui nous permettent de comprendre la biologie de la tumeur et si elle va évoluer vite ou pas, des radiologues et médecins nucléaristes qui délimitent la maladie visible sur l’imagerie, des pneumologues, oncologues médicaux, chirurgiens spécialisés, gynécologues, gériatres lorsque nous traitons des personnes âgées…
Les données fournies par chacun permettent de définir la meilleure solution thérapeutique. C’est un changement de paradigme dans le traitement du cancer.
La stéréotaxie est-elle appliquée à d’autres régions du corps?
Oui, notre service l’utilise pour des traitements de l’abdomen et des vertèbres et un projet de stéréotaxie cérébrale est en cours. Cette technique a l’avantage d’être faiblement invasive et peu toxique. Les risques sont par conséquent minimes.
Elle est généralement bien tolérée par les patients. Les effets secondaires des radiothérapies ont considérablement diminué par rapport à celles pratiquées il y a dix ou vingt ans. Avant, ils étaient conséquents et pouvaient persister durablement. Ce n’est plus le cas. / BRIGITTE REBETEZ
Article réalisé en collaboration avec L'Hôpital neuchâtelois