Les conservateurs des deux musées d'horlogerie s'accordent pour affirmer que leurs vitrines contiennent bien plus qu'il n'y paraît. «Il y a un immense travail derrière chaque objet. On l'étudie, parfois pendant plusieurs jours, et il n'en reste qu'une phrase sur un carton, très vite consommée», dit Ludwig Oechslin, conservateur du Musée international d'horlogerie (MIH), à La Chaux-de-Fonds. D'autant que la montre ou l'horloge n'est pas toujours bavarde. «Une pièce nous parle si l'on est apte à lire les traces que l'histoire laisse dessus. Peu de gens sont capables de les interpréter», poursuit-il.
Jean-Michel Piguet, conservateur adjoint du MIH, exhibe une pièce de l'horloger chaux-de-fonnier Roskopf, le premier à avoir produit des montres en grande série et bon marché, à l'usage des ouvriers. Une lettre du constructeur et divers objets accompagnent la montre dans sa vitrine. «L'idée, c'est d'amener des éléments qui permettent de comprendre ce qu'on a entre les mains.» Relativement récente, la tendance à conserver l'histoire autour de l'objet s'est développée dans les années 1960. Elle ne va pas sans compliquer la conservation, mais on tient désormais à connaître l'environnement de l'objet. «Nous avons plus de pièces qui manquent de contexte que le contraire. Les gens qui font un don ont du mal à croire qu'on s'intéresse aussi à la provenance de la pièce», explique Jean-Michel Piguet.
Outre l'aspect sécurité - «Nous sommes responsables du patrimoine; préserver un objet, c'est parfois renoncer à le montrer», commente Cécile Aguillaume -, un aspect de la conservation qui préoccupe tout particulièrement les musées d'horlogerie, c'est celui de l'environnement des objets dans les vitrines. Le papier et le tissu sont susceptibles de dégager dans l'espace clos des substances chimiques qui attaquent le métal. «Le choix des matériaux est très délicat, c'est un des travaux de conservation qui prend le plus de temps. Nous travaillons continuellement avec la Haute Ecole Arc pour mesurer l'air autour des objets et s'assurer qu'il est sain», explique Ludwig Oechslin.
Autre entreprise sans fin, l'actualisation perpétuelle des commentaires accompagnant les pièces. Le langage évolue, les m?urs aussi, si bien qu'une explication dont on se passait il y a 50 ans peut s'avérer nécessaire aujourd'hui. «Même avec deux ou trois personnes à plein temps, nous n'arrivons jamais à faire le tour», déplore Jean-Michel Piguet.
Même dépit et même manque de moyens pour le volet communication et marketing. «C'est un gros travail, nous devons allumer la lumière loin», explique Ludwig Oechslin. «Nous avons les publications et les expositions temporaires, mais nous n'avons pas les moyens de le faire savoir. C'est un travail de Sisyphe mais nous devons sans cesse justifier notre existence.» /SAB