Et si son coeur bat pour l'équipe de Suisse, il espère «que la Côte d'Ivoire ira le plus loin possible» lors de la compétition qu'il suivra attentivement. Des émotions partagées, puisqu'il a vécu une vingtaine d'années dans ce pays d'Afrique occidentale.
Son affection pour cette partie du monde remonte à 1981. Cette année-là, il est nommé responsable d'un studio de production audiovisuel dans ce pays aux 70 ethnies. Un engagement également motivé par la foi chrétienne. Six ans plus tard, il devient secrétaire général d'une ONG. «Au fil du temps et des circonstances», il est amené, durant la période de Noël 1997, à organiser un tournoi de football international dans la localité de Tabou, petite ville située en bord de mer, à proximité du Libéria.
A cette occasion, Charles-André Geiser est aussi président d'un club de football suisse (fort de 25 personnes) spécialement fondé pour la compétition. Localement, sa démarche est visiblement très appréciée, puisqu'il est «intronisé chef coutumier africain» par les autorités de la commune de Tabou, se souvient-il avec émotion. Il explique que ce statut, «pour faire une comparaison très approximative, s'apparente au rôle des bourgeoisies chez nous». Le chef coutumier lui confère, à vie, le respect des citoyens de Tabou et certains privilèges. Mais il se doit d'assumer quelques devoirs, notamment celui de «participer au développement de la ville et de sa région. J'ai reçu quelques orientations» au moment de l'intronisation, précise notre interlocuteur.
«Nous avons pris cela très au sérieux avec ma famille (réd: il est marié et père de trois enfants) et avons décidé d'acquérir des terrains pour y développer des plantations d'hévéas et de palmiers.»
Son statut de chef coutumier lui permet de développer son projet rapidement. L'investissement se fait à titre «privé et familial». L'objectif est de lutter contre la pauvreté de manière directe et sans intérêts vénaux. Il investit l'héritage parental, «sans rien attendre en retour». Les plantations se concrétisent en 1999. Le projet est confié à une famille ivoirienne. Mais depuis sa résidence au Fuet, il conseille et suit l'évolution de la plantation des 700 palmiers à huile et des 2,5 hectares d'hévéas. «Il faut être très patient, souligne-t-il. Peut-être que je n'en verrai pas la fin et c'est pourquoi je parle de développement durable. Il faut trois ans aux palmiers avant de produire et son exploitation dure 25 ans.» Quant à l'hévéa, il faut patienter sept ans avant d'en extraire le caoutchouc. Il est exploitable 35 ans.
L'homme d'Eglise, pasteur à La Chaux-de-Fonds et secrétaire de rédaction pour le magazine «Terre nouvelle», jubile en ce début d'année: «Pour la première fois en 20 ans de relations avec cette partie de l'Afrique, nous apprenions qu'un père de famille ne nous demandait pas de l'argent, mais des conseils pour investir des bénéfices réalisés grâce à sa bonne gestion du projet.» La famille de Tabou qui gère les plantations a réalisé un bénéfice net d'environ 2200 francs. Elle souhaite désormais savoir comment réinvestir cette somme. Le projet fait vivre une cinquantaine de personnes. Une réussite qui n'a pas modifié l'engagement du chef coutumier résidant au Fuet. Il continuera de fournir gratuitement ses conseils. Et de rappeler, amusé et honoré, que toute cette aventure a débuté par un tournoi de football! / MAG