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Le coiffeur de Bagdad, des rives du Tigre à La Chaux-de-Fonds

Cinq ans après l'invasion américaine en Irak, Ali Sharji-Sari raconte comment il est arrivé de Bagdad à La Chaux-de-Fonds. Un long périple, dangereux et compliqué, qui a duré deux ans. Portrait. Sur la place du Marché, un oud (luth oriental) pleure. «Je joue pour ma mère, Hachimia, qui est restée à Bagdad», explique Ali Sharji-Sari.

30 mars 2008, 12:00

Entre les chichas et les bijoux traditionnels qui ornent son salon de coiffure, ce trentenaire irakien raconte comment il a fui le régime de Saddam Hussein en 1996 après que le dictateur eut fait assassiner son père, deux de ses sœurs et trois de ses frères.

«Ma famille était opposée au régime. La police venait tous les jours chez nous. C'était très dangereux. J'ai dû fuir.» Un périple surréaliste qui a duré deux ans (lire l'encadré) et où il n'a survécu que grâce à des petits gestes de solidarité. Untel lui a donné une orange, il a tenu trois jours, jusqu'à cet autre qui lui a donné un sandwich. Et cette autre qui lui a offert un billet de train, etc.

«La Suisse, pays des droits de l'homme, c'était mon objectif dès le départ. Un paradis, où les gens vivent en sécurité, où il n'y a jamais eu la guerre...»

C'est d'ici qu'il a assisté, via le petit écran, à l'arrivée des Américains en Irak en 2003 puis à la pendaison du dictateur. «Alors j'ai dansé!», confie-t-il.

Mais, depuis, après cinq ans et un million de morts côté irakien, c'en est trop. «Leur présence était nécessaire pendant six mois, pas plus. Ils ont dit apporter la démocratie... Mais quelle démocratie?! Ils sont venus piller le pays. L'Irak est la 2e réserve mondiale de pétrole. Qu'ils le prennent et laissent nos enfants grandir! Avant l'invasion américaine, l'islamisme radical n'existait pas en Irak», poursuit le jeune chiite. «L'islam est écrit dans la lignée de la Bible. C'est la religion du cœur, de la paix, de la tolérance. Mettre des bombes sur le marché, ça, ce n'est pas l'islam!»

Ali sait qu'il ne pourra pas retourner chez lui. Coiffeur de métier, il a ouvert il y a trois mois sur la place du Marché un salon de coiffure qu'il a appelé «Mille et une nuits».

«J'ai préféré m'installer à La Chaux-de-Fonds plutôt que rester à Neuchâtel. Les Chaux-de-Fonniers ont de grandes qualités: ils sont pauvres...» Comprenez «simples, chaleureux. Ils te serrent sur leur cœur. Pas comme à Neuchâtel, plus bourgeois, la seule chose qu'ils serrent sur leur cœur quand ils me voient, c'est leur sac à main!».

Ce qui frappe Ali en Suisse, ce sont les horaires des magasins. «Chez nous, ils restent ouverts jusqu'à minuit! Ici, on empêche les gens de travailler!», s'étonne-t-il.

«Mais ce qui me fait le plus mal, ce sont les enfants: ils sont souvent seuls, beaucoup fument, boivent... C'est triste. C'est pourquoi j'apprécie beaucoup les personnes âgées. Elles ne parlent pas d'internet, mais des vraies valeurs, l'amour, la disponibilité pour la famille...»

Dans l'attente d'une autorisation de séjour permanent, Ali égrène quelques notes d'oud en regardant tomber la neige. «J'aimerais simplement vivre comme tout le monde... Je joue toujours pour ma mère restée à Bagdad mais maintenant, vous savez, je rêve en français...» /SYB

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