La révision du Swiss made, chance pour les uns, crainte pour les autres

Jeudi prochain à Bienne, l'assemblée générale de la Fédération de l'industrie horlogère suisse se prononcera sur le renforcement des critères d'obtention du Swiss made. Une révision appuyée par le haut de gamme, mais dont les segments inférieurs pourraient faire les frais. Nécessité de protéger le Swiss made pour en assurer la pérennité, discrimination entre les trois segments horlogers, stratégie du Swatch Group pour s'arroger des parts de marché de ses concurrents de milieu de gamme, tout a été dit sur la révision de l'ordonnance du Swiss made. Cinq acteurs du monde horloger en ont débattu jeudi soir au Musée international d'horlogerie de La Chaux-de-Fonds. Accords et désaccords à une semaine de la votation fatidique.

23 juin 2007, 12:00
Jean-Daniel Pache

«La définition du Swiss made a suscité un malaise depuis sa création», souligne le président de la Fédération horlogère. «Le Swiss made souffre d'un mal congénital, car il s'appuie essentiellement sur la définition du mouvement. Une philosophie qui a montré ses limites, la montre étant un produit fini qui ne se résume pas à sa seule mécanique. Les règles actuelles autorisant une large fabrication des composants à l'étranger, les critiques des clients qui croient acheter un garde-temps «fait en Suisse» se font de plus en plus vives», note le président de la FH. Mécontentement partagé par certaines marques horlogères «qui ne se reconnaissent plus dans le Swiss made». Un label qui est avant tout une indication de provenance et non de qualité, même si les deux vont souvent de pair, note Jean-Daniel Pasche. «S'il suffit d'un critère de qualité pour faire du Swiss made, on peut le faire au Japon!»

Emmanuel Vuille

«Repositionner le Swiss made à un niveau significatif est une très, très bonne chose» estime le directeur de Vaucher Manufacture. Et de rappeler que les faiblesses du label actuel ont encouragé Parmigiani, qui appartient comme Vaucher à la Fondation famille Sandoz, à ne plus le faire figurer sur certaines montres.

Ronnie Bernheim

Le directeur de la marque zurichoise Mondaine et l'un des seuls opposants à oser s'afficher clairement. Il juge la révision «discriminatoire, protectionniste et compliquée dans son application». Pour Ronnie Bernheim, le Swiss made est avant tout synonyme de qualité. «Avec la révision, les montres ne seront ni plus belles, ni plus précises.» En revanche, le prix d'une Mondaine passera de 150 à 220-250 francs, «sans avantage pour le consommateur». Qui plus est, avertit Ronnie Bernheim, ce renchérissement risque de décourager la clientèle habituelle et touristique de Mondaine. Il n'est pourtant pas opposé à une revalorisation du label et à la prise en compte du coût de fabrication, mais limité à 50% et non à 60%. Et de se demander pourquoi vouloir faire mieux que la jurisprudence, qui fixe ce taux à 50% pour les objets usuels frappés du Swiss made. Contraint de se procurer des composants sur le marché suisse, Ronnie Bernheim ne conçoit pas non plus devoir passer par le Swatch Group et être obligé de dévoiler ses intentions à ce concurrent.

Philippe Membrez

La boîte de montre sera un élément très demandé si la révision de l'ordonnance passe la rampe. Mais la fabrique jurassienne Simon et Membrez ne l'a pas attendue pour s'étendre, observe son directeur. La production a passé de 36 000 pièces à 100 000 pièces en une année. Philippe Membrez est convaincu que le marché suisse, qui construit actuellement huit des vingt-quatre millions de boîtes de montres, peut assumer une augmentation de capacité de production. Le développement de la robotique et de l'automatisation rend cette optique crédible, observe-t-il. Aux entreprises désormais de prendre l'initiative et d'investir. Elles ont plusieurs années pour le faire.

Guido Frosio

Acceptée ou non, pour la formation, la révision de l'ordonnance ne va rien changer. «Pour nous, la question ne se pose pas par rapport au Swiss made», déclare le directeur de la Haute Ecole Arc ingénierie. L'institution, seule en Europe à former des ingénieurs horlogers, va continuer à contribuer à l'excellence du secteur en lâchant sur le marché des personnes compétentes. / DJY